«Permettez-nous d'attirer votre attention sur un aspect qui nous préoccupe : le respect de la diversité culturelle et religieuse, ébranlé dernièrement par une représentation médiatique fort peu sage et un opportunisme politicien de la pire espèce.»

Cher Premier Ministre,

Vous avez maintenant le privilège de pouvoir faire une réelle différence dans la vie de millions de vos concitoyens. Vous les avez certainement entendus, durant cette campagne, vous signifier toute l'importance que revêtent à leurs yeux l'éducation promulguée à leurs enfants, les soins assurés à leurs malades, le soutien apporté à leurs démunis, les protections nécessaires et urgentes pour préserver la qualité de leur environnement, etc. Aussi, dans tous ces domaines et dans bien d'autres, nous nous contenterons pour notre part d'espérer que vous continuerez de les écouter et de répondre positivement à leurs besoins en gouvernant au bénéfice de chacun et de tous.

Permettez-nous, toutefois, d'attirer votre attention sur un autre aspect qui nous préoccupe : le respect de la diversité culturelle et religieuse. Ce respect, malheureusement ébranlé dernièrement par une représentation médiatique fort peu sage et un opportunisme politicien de la pire espèce, est capital pour la vitalité du Québec et l'avenir de ses enfants. De ce respect dépend en effet notre capacité, en tant que société moderne et progressiste, à bâtir un «vivre ensemble» harmonieux, condition sin qua non de tout développement économique et social un tant soit peu durable. Il serait donc de votre devoir, à notre humble avis, de consacrer des efforts adéquats à cette question et aux enjeux qu'elle représente, afin de réconcilier les Québécois avec leurs différences et l'esprit de tolérance qui a longtemps fait la marque de commerce de leur terre d'accueil.

Donnez d'abord l'exemple. En refusant à vous-même et aux membres de votre prochain gouvernement l'exploitation mesquine de la diabolisation des différences, et en allant rencontrer les premiers concernés pour mieux comprendre les pratiques qui semblent aujourd'hui déranger, vous communiquerez le message aux Québécois et aux Québécoises de toutes les régions, de toutes les ethnies et de toutes les religions que, s’il est permis dans une société démocratique comme la nôtre de questionner et même de critiquer la différence, ce questionnement et cette critique ne doivent jamais autoriser le mépris d'autrui. Que nous soyons de nouveaux arrivants ou d'anciens arrivés, nous devrions tous pouvoir vivre dignement nos choix existentiels et/ou culturels. Que ces choix doivent pouvoir se vivre dans le respect des valeurs et des acquis du Québec d'aujourd'hui, qu'ils doivent de même se garder de remettre en cause la continuité historique de son identité, voilà qui n'est point discutable.

Il demeure que ses acquis et cette continuité gagneraient à retrouver leur sérénité d'antan, afin de laisser place à d'autres manières culturelles d'exprimer les mêmes valeurs universelles qui sont celles du Québec et de tous les hommes et les femmes épris de liberté, de justice et de solidarité. Être libre, c'est aussi, et peut-être même fondamentalement, pouvoir vivre ses convictions et ses choix culturelles quand justement ils ne sont pas complètement semblables à ceux de la majorité de nos concitoyens. Le romancier franco-algérien Camus ne disait-il pas que «la démocratie, ce n'est pas la loi de la majorité mais la protection des minorités» ?

Abdelaziz Djaout, docteur en sociologie à l'UQAM et Lamine Foura, journaliste et animateur

Source: http://www.lactualite.com/elections/article.jsp?content=20070312_112001_4948