Québec fait volte-face dans le dossier des garderies qui offrent de l'enseignement religieux aux enfants. Le ministre de la Famille, Tony Tomassi, a annoncé mercredi que cette pratique ne sera plus tolérée dans les garderies financées avec de l'argent public.

 

« Nous allons accompagner les services de garde du Québec, nous allons nous asseoir avec les partenaires pour [déterminer] la meilleure manière de voir à ce que cet aspect soit respecté [...] pour faire en sorte qu'au Québec, la religion ait sa place dans la famille, mais ne se transporte pas dans les services de garde », a annoncé le ministre lors d'une conférence de presse à l'Assemblée nationale.

Le ministre a dit ne pas savoir à l'heure actuelle comment se traduira cette interdiction. « Est-ce que c'est par le programme éducatif qu'il va falloir le faire? Est-ce que c'est par règlement? Il va falloir s'asseoir pour trouver le meilleur moyen », a-t-il affirmé.

Selon le ministre Tomassi, une vingtaine de services de garde de la province seraient touchés par cette mesure. Cela inclurait le Centre de la petite enfance (CPE) Beth Rivkah, fréquenté par la communauté juive de Montréal, mais pas la garderie privée Oasis Bout'Chou, que gère l'Association islamique des projets charitables à Laval.

Après vérification, a indiqué le ministre, il appert que la garderie privée Oasis Bout'Chou n'enseigne pas la religion à proprement dit, et qu'elle est d'ailleurs fréquentée par une multitude d'enfants provenant de différentes communautés, et non pas seulement des musulmans. Le CPE Beth Rivkah pose cependant problème, a-t-il ajouté, sans élaborer.

Mardi matin, le ministre Tomassi avait pourtant dit ne voir aucun problème dans le fait que des services de garde financés avec l'argent des contribuables enseignent les rudiments de l'islam, du judaïsme ou du catholicisme aux enfants qui les fréquentent.

« Un service de garde, c'est le prolongement de la vie familiale. Nécessairement, les parents [...] se tournent vers des services de garde qui [...] adoptent les mêmes valeurs qu'ils ont », avait-il déclaré sur les ondes du Réseau de l'information.

Il a répété mercredi que, à l'heure actuelle, les garderies qui offrent de l'enseignement religieux n'agissent pas de façon illégale. Elles sont cependant obligées de respecter le programme éducatif du ministère de la Famille, a-t-il précisé.

Réaction du Parti québécois

En point de presse, le porte-parole de l'opposition officielle en matière de famille, Nicolas Girard, s'est réjoui de la volte-face du gouvernement.

Il a toutefois déploré que le ministre Tomassi et les autres libéraux n'aient pas appuyé une motion déposée plus tôt en matinée par le Parti québécois demandant le respect de la laïcité dans l'espace public.

Le gouvernement a refusé d'agir, sous prétexte qu'il fallait mieux définir ce qu'est la « laïcité dans l'espace public ». Le PQ a rétorqué que la motion ayant été soumise une heure à l'avance, les libéraux avaient eu le temps de trouver ces explications.

Étant donné cette décision du Parti libéral, M. Girard se demande si les propos de Tony Tomassi n'étaient finalement qu'un « écran de fumée ».

Le Parti québécois demande à ce que les rapports d'évaluation des projets de CPE soient rendus publics, afin de « faire toute la lumière sur le processus d'attribution des places » de la part du ministère de la Famille.

Par ailleurs, le PQ demande des excuses à la ministre Christine St-Pierre, qui a traité Nicolas Girard de « raciste », lors d'échanges survenus hors micro à l'Assemblée nationale. M. Girard affirme que le gouvernement insulte l'opposition parce qu'il est à court d'arguments dans ce dossier.

Un financement de l'État

La Presse canadienne a révélé lundi que des associations dont l'objectif déclaré est de faire la promotion de la religion juive ou musulmane reçoivent des subventions de plusieurs centaines de milliers de dollars.

Le CPE Beth Rivkah, que dirige le rabbin ultraorthodoxe Yosef Minkowitz à Montréal, aurait ainsi reçu une subvention gouvernementale totale de 1,3 million de dollars l'an dernier.

Sur leur site Internet, on peut lire : « Apprendre la Torah, c'est vivre la Torah. Toutes nos activités journalières sont pénétrées de l'esprit de la Torah et de la tradition juive, exposant ainsi l'enfant vers un riche mélange d'études juives et laïques. »

L'autre cas exposé par l'agence de presse est celui de la garderie privée Oasis Bout'Chou, gérée par l'Association islamique des projets charitables, qui offre 80 places à 7 $ à Laval.

L'Association indique dans le registraire des entreprises que son but est de « propager l'enseignement islamique parmi les musulmans et les non-musulmans ».

En entrevue, un porte-parole de la garderie Oasis Bout'Chou, Bassam Derbas, a expliqué que le service de garde n'enseigne pas l'islam à proprement dit, mais qu'il propage les valeurs de l'islam.

Le financement des garderies à 7 $ provient à 82 % du gouvernement du Québec. Le contenu éducatif qu'elles offrent est cependant laissé à la discrétion de leur conseil d'administration.