(Québec) Il n'y a pas si longtemps, les amateurs de cuisine du monde devaient profiter d'un voyage à Montréal pour faire le plein de leurs denrées préférées. Depuis quelques années, toutefois, les petites épiceries internationales se sont multipliées à Québec, offrant saveurs et parfums des quatre coins de la planète. Mais beaucoup plus que de simples étals, ces marchés sont aussi les visages de l'immigration dans la capitale. Qui sont-ils, d'où viennent-ils, que vendent-ils? Le Soleil vous en présente six en six semaines, pour le plaisir de la découverte...

Avec son voile recouvrant ses cheveux et sa longue robe, Habiba Ben Mansour a un petit look sérieux. Mais la douceur de sa voix et son sourire ont vite fait d'établir le lien avec le client.

Derrière le comptoir de l'Épicerie internationale Amine, la femme de 52 ans accueille les clients anciens et nouveaux avec la même gentillesse, prête à répondre à leurs interrogations sur l'utilisation de tel ou tel produit, ou les aider à dénicher l'ingrédient rare nécessaire à une recette.

Tunisienne d'origine, Habiba n'avait pourtant pas prévu se retrouver un jour copropriétaire (avec une autre femme) de l'épicerie «arabe», comme les habitués l'appellent. En fait, elle n'avait même pas prévu devenir Canadienne!

C'est pour accompagner son mari venu faire un doctorat en microbiologie que cette ingénieure en agroéconomie est d'abord arrivée au Québec en 1991. Le couple avait alors un bébé de cinq mois et un enfant de cinq ans, ainsi qu'un autre de six ans venu les rejoindre quelques mois plus tard.

«On a pris beaucoup de temps à se décider», dira-t-elle à propos de son installation permanente au pays. Mais la difficile situation régnant dans leur pays et l'adaptation harmonieuse de leurs trois petits enfants à leur milieu d'accueil ont finalement eu raison des hésitations du couple, qui s'est installé pour de bon et a même mis au monde une nouvelle petite Québécoise.

Pour elle, ce choix a eu un prix. Elle a dû renoncer à un travail dans son domaine. Comme pour bon nombre d'immigrants, les portes ne se sont pas ouvertes.

Qu'à cela ne tienne, Habiba n'a aucune amertume face à son métier d'épicière. Elle ressent plutôt une vive satisfaction à participer pleinement à la vie sociale et économique de son nouveau pays, dont elle goûte la liberté. «Quand j'ai eu l'occasion d'entrer en affaires, j'étais très contente. Et comme agronome, les produits alimentaires représentent quelque chose pour moi», dit-elle.

En l'espace de cinq ans, le commerce du boulevard Charest a bien changé. Le petit restaurant qui s'y trouvait (et où l'on mangeait un délicieux couscous!) a disparu. «Ce n'était pas mon fort, j'ai préféré agrandir l'épicerie», dit celle qui s'est donné pour défi de n'avoir en stock que des aliments importés, ou presque. La grande exception est bien sûr la viande, ainsi que quelques produits d'usage courant.

Bien que sa marchandise provienne principalement des pays arabes, la commerçante butine ailleurs sur la planète. L'arrivée récente à Québec d'un groupe de Bhoutanais a avivé la demande pour des produits du sous-continent indien, et elle offre quelques produits asiatiques.

Les clients, eux, sont très diversifiés. La moitié sont des Québécois en quête de découvertes ou de produits particuliers, tels les épices, souvent vendus meilleur marché que dans les grandes surfaces. Les musulmans y viennent en particulier pour la viande halal, c'est-à-dire abattue selon les rites de l'islam.


Source: CyberPresse


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