L’arrestation de responsables du port d’Alger est-elle un signe de reprise de la lutte contre la corruption?

 

La moitié des dirigeants des entreprises et des administrations publiques risquent de se retrouver confrontés à l’accusation de corruption. Chaque semaine apporte son lot de révélations concernant ce fléau. Le dernier en date concerne le directeur général du port d’Alger et son prédécesseur respectivement Abdelhak Bourouaï et Ali Farah. Cela est-il fait pour relancer la lutte contre la corruption après une pause observée lors du GNL16 qui s’est tenu récemment à Oran?

Sonatrach est certes l’un des dossiers les plus scandaleux qu’a eu à connaître l’Algérie, mais cet exemple ne doit pas cacher les autres petits cas, même si cette terminologie est impropre. Des APC les plus reculées aux agences bancaires les plus proches des centres de décision à Alger en passant par les notaires et les agences immobilières, aucun corps de métier, ou presque, n’échappe au phénomène. Et ce ne sont pas les menaces de sanctions contenues dans les lois qui font reculer les corrupteurs et les corrompus. Et il y en a même qui trouvent que c’est inévitable en se gardant bien d’expliquer pourquoi. Le ministre de l’Industrie et de la Promotion des investissements, Hamid Temmar, a admis effectivement, il y a quelques jours, que la corruption est inévitable. Quant à Chakib Khelil, ministre de l’Energie, il a une autre stratégie de défense. Il ne sait rien des dossiers de malversation à Sonatrach, avait-il indiqué. Le directeur général par intérim de cette dernière considère, lui aussi, que de nombreuses autres entreprises des hydrocarbures de par le monde ne sont pas immunisées contre le fléau.

Si les événements venaient à poursuivre leur train actuel, tout indique que la corruption a encore de beaux jours devant elle. Un plan de dépenses d’environ 200 milliards de dollars est prévu pour les cinq prochaines années. L’annonce officielle de ce programme par le président de la République est attendu pour ce mois d’avril. A moins que l’annonce ne soit reportée pour d’autres dates symboliques comme le 1er Mai. Ces grands projets attisent la convoitise de responsables de plusieurs secteurs. Les marchés publics sont une source inestimable de corruption. L’autoroute Est-Ouest, l’agriculture, la pêche sont frappés par la malédiction.

Pour l’instant, la justice se contente d’interpeller les présumés coupables qui sont en attente de leur jugement. Outre la justice, il y a d’autres organes de lutte contre la corruption, mais apparemment la pratique est tellement ancrée dans la société que les simples voies juridiques et de répression ne sont plus suffisantes pour venir à bout. Dans les discours, l’accent est mis sur la lutte contre le phénomène, mais son ampleur porte à croire que le pays est loin de dire adieu au fait d’échanger des services contre des pièces sonnantes et trébuchantes.

Et l’accusation a toutes les chances de s’étendre à d’autres gestionnaires. Qui ne resteront pas sans réagir. L’un des premiers réflexes qu’ils adopteront est celui de l’immobilisme accompagné par celui de la prudence. Dans ces cas, ils seront contraints d’attendre des ordres de leurs tutelles respectives avant de procéder à la passation d’un quelconque marché. Le comble est que même les ministres ne sont pas exempts de la suspicion générale.
C’est pour cette raison que le Premier ministre, Ahmed Ouyahia, avait décidé d’installer un magistrat indépendant dans les cabinets de chaque ministère. Si l’inertie atteint le sommet de l’Etat, c’est le risque de paralysie qui guette la société. Et si les gestionnaires continuent d’être vus d’un mauvais oeil, il ne restera plus au pays que d’importer les dirigeants de ces sociétés.

La corruption et les malversations posent certes, le problème de détournement de deniers publics, d’abus de biens sociaux et d’enrichissement personnel, il n’en demeure pas moins que les gestionnaires se trouvent dans des positions inconfortables. Ils ne veulent plus risquer d’être poursuivis pour des erreurs de gestion. La qualification d’un acte criminel doit être soutenue par trois critères: l’intention, l’acte matériel et le préjudice. Le premier élément est le plus difficile à être établi par les magistrats.

Source: L'Expression - Edition du 25 avril 2010