Tout le monde se souvient du décès de deux Algériens à Montréal survenu durant la même période, il y a trois mois...

Tout le monde se souvient du décès de deux Algériens à Montréal survenu durant la même période, il y a trois mois. Zaoual Abdelmadjid de Annaba et Bey Ferhat de Draa Ben Khedda, dont les dépouilles sont restées plusieurs jours à la morgue du centre funéraire Magnus Poirier, étaient à l’époque inconnus de la communauté et des services consulaires algériens à Montréal.

Choqués par la nouvelle, les Algériens avaient par tous les moyens essayé de communiquer l’information à leurs proches en Algérie dans le but de retrouver les familles des personnes décédées. De nombreux messages laissés dans les forums de discussion témoignent encore aujour-d’hui de l’ampleur des événements qui ont marqué la communauté. Même l’émission «Taxi Maghreb», animée par Mouloud, leur a été entièrement consacrée le samedi 14 mai dernier, de 10h30 à minuit.

Après plusieurs jours de recherche, la famille du défunt Zaoual Abdelmadjid a demandé le rapatriement de la dépouille en Algérie, quant à Bey Ferhat, son cas est resté suspendu à la décision de sa soeur et de son frère résidant en France. Selon Salim Chouib, attaché de presse au consulat général d’Algérie de Montréal, «La soeur et le frère du défunt ont souhaité que l’inhumation ait lieu au Canada et ont officialisé leur volonté par une demande manuscrite légalisée».

Sans famille ni amis à Montréal, Bey Ferhat a été enterré par des Pakistanais, des Marocains et des Bosniaques, mercredi 31 mai au carré musulman du cimetière de Laval. A l’exception du consul général d’Algérie à Montréal, M. Sebaa Abdelaziz, et de l’attaché de la chancellerie, aucun Algérien ni représentants d’associations n’étaient présents à l’enterrement. Toutes les associations ont été avisées du jour et de l’heure de l’inhumation par un courriel le 30 mai. M. Abdelaziz Sebaa dira simplement plus tard, «J’étais surpris, personne de la communauté n’était présent à l’enterrement». M. Seloui Mustapha, le responsable des services funéraires du Centre islamique du Québec (CIQ), déplore dans ce cas précis le manque d’intérêt des Algériens envers leur mort et réclame le paiement des frais de l’enterrement qui s’élève à 2.500 $.

Mourad Bouzegza, bénévole algérien, est chargé de réunir la somme auprès de la communauté. Depuis deux mois, il a collecté la somme de 1.120 $ dont un chèque de 500 $ offert par les membres du Centre culturel algérien à Montréal et un autre du Centre islamique du Québec. Pour honorer son engagement auprès des services funéraires du Centre islamique du Québec (CIQ), Mourad Bouzegza compte sur la solidarité des Algériens qui ont participé il y a trois mois à la recherche des familles des défunts. Bey Ferhat est mort dans la rue le 29 avril 2006, il a passé trente et un jours à la morgue du Salon funéraire Magnus Poirier à Montréal. Agé de 54 ans, il vivait seul et a été retrouvé mort dans la rue par des passants qui ont signalé son cas aux urgences. Son père, Mohamed Bey, et sa mère, Tadjir Djouher, sont décédés. Apparemment, il était malade et l’autopsie a confirmé ses problèmes de santé. Sa mort a coïncidé avec celle de Zaoual Abdelmadjid dont la dépouille a été rapatriée à Annaba le 17 mai dernier à la demande de sa famille. Au lendemain de l’enterrement d’un musulman, les femmes prennent le relais des hommes et chaque matin, pendant plusieurs jours, elles se recueillent sur la tombe du mort. Ce qui n’est pas souvent le cas à l’étranger. Dans le cas de Bey Ferhat, personne n’ira rafraîchir sa tombe et murmurer des versets coraniques dont il a tant besoin dans sa solitude éternelle.

C’est ça le destin d’un exilé et la fin qui regroupent les affres de la solitude et de la mort décrites dans la chanson du regretté El-Hadj El-Hachemi Guerrouabi «Bahr Ettouffan», dont certains passages «Loukan matt bin Yadya, nadafnou ou nabra mna lkya nzour kabrou sabha ouaâchia», évoquent le désespoir, la douleur et les regrets qu’affichent une personne exprimant toute sa peine en apprenant la perte d’un être cher. A Montréal, Bey Ferhat n’a personne pour le pleurer. Nous reviendrons dans une prochaine édition sur l’histoire de plusieurs Algériens décédés et enterrés en Amérique du Nord, loin de leur famille et de leur pays d’origine.

Source: http://www.lequotidien-oran.com/quot3529/societe.htm