Mais où est donc passé le cinéma algérien ? La 21e édition du Festival Vues d’Afrique célébrera la diversité culturelle et offrira aux cinéphiles l’occasion de jauger 110 œuvres cinématographiques provenant de 21 pays, particulièrement du continent africain. Ce festival, qui avait vu l’apothéose de l’Algérie, lors de la 19e édition, où notre pays avait raflé la plupart des distinctions et surtout qui avait permis, entre autres, à Yamina Chouikh, Ghouti Bendeddouche, Lyes Salem, Malek Bensmaïl, Djamila Sahraoui de s’illustrer auprès des médias comme du public en diffusant une belle image de l’Algérie à travers des œuvres de bonne qualité. Il faut dire que le film de Yamina avait emporté l’adhésion quasi générale du public et des médias qui ont éprouvé beaucoup de peine à approcher la réalisatrice tant elle fut amplement sollicitée de toute part : radio, télé, presse écrite et organisations non gouvernementales. Elle fut également, au cours de son bref séjour, de tous les débats sur la situation sécuritaire en Algérie, sur la place de la femme dans la société algérienne, tant à Montréal qu’à Québec et dans la capitale fédérale Ottawa. Outre les prix, les mentions et les distinctions décrochés par les Algériens, un hommage particulier avait été rendu à Mohammed Chouikh dont une rétrospective de ses films avait été offerte au public. Le succès était si criant que des projections supplémentaires avaient été consenties.Il faut croire que les temps ont changé et que l’Année de l’Algérie en France a donné ce qu’elle pouvait et que l’industrie du cinéma, qui se serait réorganisée récemment, peine à décoller. Mais là, c’est une autre histoire qui appelle une analyse sérieuse des obstacles, qui ne sont pas, avouons-le, seulement d’ordre financier, mais structurel, humain et organisationnel.Ainsi, et pour en revenir à la présente édition, il faut mentionner que le Sénégal sera cette année à l’honneur et, selon les organisateurs, c’est une véritable ode qui sera réservée à ce grand pays dont le cinéma occupe aujourd’hui une place importante tant au niveau de la production que de la diffusion, reflétant un dynamisme qui rappelle celui de l’Algérie des années 1970 et 1990 (décennie qui a vu le défunt Conseil national de l’audiovisuel répartir la petite manne du FDATIC à sept grandes réalisations qui ont brillé dans les années 1990). Aujourd’hui, heureusement que Viva Laldjérie de Nadir Moknèche et les Suspects de Kamal Dehane viendront témoigner de la survie de ce cinéma qui avait fait tant rêver et donné des satisfactions dont seuls sont capables les Belloufa, Hamina, Bendeddouche, Laskri, Allouache, Merbah et tant d’autres. Cependant, il ne faut pas se leurrer, le financement de ces deux réalisations ne serait pas tout à fait algérien, les réalisateurs ayant fait des acrobaties pour réunir les fonds nécessaires. A ce niveau, il convient de signaler la prouesse du talentueux Samir Aït Larbi, artiste peintre algérien, qui a concouru et décroché le prix de la meilleure affiche qui orne les espaces culturels montréalais, annonçant l’événement. Cela étant, il convient de signaler qu’un documentaire Algérie pauvre à milliards de Thierry Leclerc sera projeté à deux reprises et donnera lieu à un débat sur le développement économique en Algérie et l’impact de la mondialisation. Deux autres documentaires, le premier de Yamina Benguigui, Le plafond de verre et le second Amina ou la confusion des sentiments de Laurette Mokrane seront présentés au cours de ce festival et traiteront de thèmes liés à l’Algérie.Cette situation n’est pas sans interpeller les cinéphiles et les hommes épris de culture et dont l’insoupçonnable légèreté avec laquelle les décideurs considèrent la culture et le patrimoine, qui est le leur, comme la dernière roue de la charrette, arguant du faux prétexte de la commercialité pour juger de la nécessité d’octroyer des budgets conséquents à la culture. Il suffit de visiter les musées, les parcs, les salles de cinéma, les théâtres des pays développés, de prendre la peine de connaître le mode de financement de la culture et des activités culturelles, l’implication des grandes compagnies et des institutions financières qui accordent aide, support et soutien financier à la culture et ce, avec la bénédiction des gouvernants qui accordent les dégrèvements budgétaires conséquents. Il faut dire que dans ces pays là, les dirigeants, qui sont avant tout des citoyens, ont pris le temps nécessaire pour réfléchir, élaborer et mettre en œuvre une véritable politique culturelle qui repose sur des mécanismes de financement viables qui se traduit dans les faits par l’allocation de sommes conséquentes pour la production culturelle. Il faut prendre le temps d’examiner les mécanismes et les procédures et les incitatifs nombreux qui sont mis en œuvre dans les pays développés pour situer l’ampleur du décalage et surtout du retard entre le discours et l’amère réalité du désespoir qu’inspire le faible niveau de production culturelle. Pour en revenir au cinéma algérien, dont l’âge d’or n’est plus qu’un lointain souvenir, il faut croire qu’il n’est pas seulement en déclin. Il est plutôt à l’agonie. La mort le guette. Les réalisateurs s’usent et ne créent plus. Alors, oserions-nous à nouveau parler de préservation du patrimoine national lorsque nous assistons, avec une sérénité implacablement anti-keynésienne, à la disparition de larges pans de notre histoire, de notre culture, de notre patrimoine. Cette descente aux enfers de la culture sera imputable aux dirigeants qui n’auraient pas encore compris que, comme le dit le dicton, «la culture, c’est tout ce qui reste quand on a tout oublié».

Source: http://www.latribune-online.com/1604/culture.htm