MONTREAL (AFP) - Le gouvernement canadien a rétabli, vendredi, les renvois d'immigrants illégaux algériens vers leur pays d'origine, après les avoir suspendus pendant cinq ans compte tenu de la situation politique qui régnait dans cet Etat.

Cette décision, qui survient au lendemain d'une visite du Premier ministre canadien Jean Chrétien en Algérie, a été confirmée par le ministère de l'Immigration dans un communiqué, après avoir été révélée par le quotidien montréalais La Presse. La levée du moratoire sur ces expulsions "reflète les conclusions de notre évaluation selon lesquelles les citoyens algériens ne courent aucun risque en étant renvoyés dans leur pays", a affirmé le ministre Denis Coderre.

Depuis mars 1997, Ottawa s'abstenait, pour des raisons humanitaires, d'expulser des Algériens, qui s'étaient vu refuser une demande d'asile politique au Canada. Ce moratoire avait permis à des individus comme Ahmed Ressam et Mokhtar Haouari, condamnés aux Etats-Unis pour un complot avorté contre l'aéroport de Los Angeles à la veille de l'an 2000, de rester au Canada, malgré le rejet de leur demande du statut de réfugié.

Ottawa conservait néanmoins la possibilité de déroger au moratoire dans les cas de personnes susceptibles de représenter un danger à la sécurité de l'Etat. En revanche, beaucoup de Canadiens d'origine algérienne ne pouvaient recevoir régulièrement la visite de leurs parents restés en Algérie, Ottawa ayant tendance à leur refuser un visa de touriste, de crainte qu'ils ne demandent à leur tour le statut de réfugié en mettant les pieds au Canada.

"Avec la fin du moratoire, les vrais réfugiés pourront rester. Les autres, ceux qui essaient de déjouer le système, seront renvoyés", a déclaré à La Presse un haut responsable gouvernemental ayant requis l'anonymat. Le ministère soutient que "cette décision n'aura pas pour conséquence des renvois par milliers mais visera ceux qui auront épuisé toutes les voies d'appel".

Des organisations d'aide aux immigrants pensent plutôt le contraire. "Beaucoup, beaucoup de monde" pourrait être renvoyé vers l'Algérie, a estimé Rivka Augensfeld, qui préside à Montréal la Table de concertation d'aide aux réfugiés. Cette association regroupe quelque cent trente organisations humanitaires, religieuses et syndicales.

Mme Augensfeld "ne croit pas" que cette décision soit liée aux attentats terroristes du 11 septembre aux Etats-Unis, soulignant que le processus en vue de la levée du moratoire avait été enclenché bien avant cette date. Selon elle, Ottawa serait d'ailleurs sur le point de lever des moratoires semblables concernant les ressortissants du Rwanda et du Burundi.

"Les gouvernements n'aiment pas les moratoires, a-t-elle déclaré, c'est quelque chose qu'ils font rarement et seulement lorsqu'il n'y pas d'autre choix". "C'est grave", a-t-elle estimé car, selon elle, le ministère de l'immigration n'a pas les effectifs pour "gérer comme il faut tout ce qui va arriver si on lève le moratoire", et ce alors qu'une nouvelle loi plus stricte sur l'immigration doit entrer en vigueur en juin.

Source: http://fr.news.yahoo.com/020406/202/2jfw7.html