«Tous les caniches aboient hargneusement à la moindre occasion mais spécialement quand il ne se passe rien.  L’élégance du Hérisson, Muriel Barbery. »

 

Voici l’histoire romanesque d’un être unique en son genre.  Une créature du nom Algérie.  Cette terre a fait courir derrière elle, beaucoup de prétendants de toutes espèces.  C’est normal, c’est une glèbe fertile et adorable.

Le mystère de l’Algérie est qu’elle n’a pas  vieilli à travers les ères.  Elle est restée toute jeune malgré sa naissance qui date depuis le temps d’avant le Christ.  Aujourd’hui, elle a exactement, deux mille neuf cent soixante (2960) tafsut.  Bonne fête, aïd milad saïd, amulli ameggaz, Asegassa mbarkine, asseggas dambarech et sana saïda.

C’est une donzelle miroir.  Chaque être de ses entrailles se voit là-dedans.  Elle parle plusieurs langues.  Elle est parfois religieuse et quelquefois laïc.  Il lui arrive, par moment de devenir athée.

En 1962, elle a décidé de se séparer et déclarer la rupture du colon occupant.  Face au juge, elle a exprimé qu’elle a vécu de la violence, a été battues et a reçu  des coups mortels.  Elle a révélé que ses droits n’étaient pas reconnus.  On ne l’a  pas permis de fréquenter l’école de son choix.  Elle a dénoncé  l’exploitation de son intime contenu intérieur au profit de la population européenne.

L’Algérie a pris sa destinée en main et a décidé de confronter la vie en étant libre et indépendante afin d’élever ses enfants.  Elle avait beaucoup d’enfants à des niveaux très hétérogènes et disparates.  Il y avait des éduqués, des laïcs, des religieux, des analphabètes et même des politiciens chevronnés.

À l’aube de l’indépendance, dans une nuit au clair de lune, l’Algérie a convoqué ses enfants, grands et petits chacun par son nom.  Ce rassemblement de convives avait pour but d’exprimer un vœu très cher.  Toutes et tous étaient au rendez-vous.

Quelles retrouvailles!  Tout le monde s’embrassait et se donnait des accolades.  Des odeurs et des effluves se firent sentir.  Dès fois ça sentait le musc, parfois de l’eau de parfum, de la bière, du vin rouge et même de la mauvaise haleine.  C’était  un détail accessoire, les retrouvailles ont fait oublier les odeurs des différences et des divergences.

Soudainement, l’Algérie sortit pour honorer son rendez-vous et rencontrer son auditoire.  Dès la première vue, l’allégresse prenait le dessus sur les visages clamés et les larmes arrosaient les joues pour les noyer.

Vêtue d’un cafetan extraordinairement confectionné et orné de couleurs resplendissantes et flamboyantes, laissant briller le génie arabe, sahraoui et amazigh.  C’était une œuvre, magnifiquement tricotée serrée.

Après un sourire aimable et accueillant, elle croisa ses bras vers elle pour toucher ses épaules en signe d’un câlin cajoleur à tous.

Miraculeusement, elle s’est adressée à chacun dans sa propre langue.  Elle a exprimé à chacun son amour, son admiration, son adoration et son affection.  Tout le monde a compris que sa place est égale et pareille à l’autre.  Elle a procuré une joie sans bornes et  un bonheur sans fin.

À la fin de son discours, elle  fit un vœu.  Un vœu très lourd à exhausser et très âpre et difficile à assumer.  Elle a demandé qu’on prenne soin d’elle, de ses enfants en bas âge et de sa richesse emmagasinée dans ses entrailles.  Aussi, elle voulait qu’on l’accompagne humblement jusqu’à la fin de ses jours.

Dans la foulée de l’émotion, de l’ébranlement, de l’ébahissement et du serment de cœur, notre frère ainé a pris le dessus sur la destinée de notre mère patrie.  Comme il est d’usage dans la fratrie et selon les  coutumes et les habitudes, personne n’a osé contester ou manifester une dissension.  Il faut reconnaître aussi, que notre Efelène était le front protégeant et défendant la mère du parâtre/marâtre la France.

Jusqu’à ce jour, notre mère patrie est bien vivante.  En forme, radieuse et plein de charmes.  Elle nous contemple aller, sans parler et sans rien dire.  Elle nous observe avec le regard malheureux, mécontent et plein de chagrin.  Elle est insatisfaite de notre comportement.  Comment se fait-il que ses enfants lavent leur linge sale dans la place publique des pays autrefois ennemis?  Où sont-ils les principes exemplaires inculqués à ses enfants.  Où sont le respect, l’écoute, le partage et l’entraide?

Je t’aime beaucoup ma mère.  Pourriez-vous me dire comment m’intégrer dans ce beau pays sans me désintégrer ou m’abaisser?  Quelques sœurs et frères ont opté pour l’admiration de la mère adoptive en échange d’un clabaudage et du dénigrement de la mère patrie biologique.

Je m’excuse ma mère.  Comme vous le savez déjà, je suis qu’un féroce bélier.   Chaque fois qu’une telle situation se présente, je m’emporte sans tourner ma langue sept fois dans ma bouche.  Je deviens cinglé et la haine anime mon intérieur.  Je me confesse et demande votre clémence en espérant le pardon, la grâce et l’absolution.

Par moment et surtout quand le manque d’affection  fait surface, je me refugie chez les autres mères, celles de mes amis.  À contre-courant, elles m’accueillent, me nourrissent et me protègent.

Par inadvertance, imprudence, confusion et pour mieux m’intégrer,  je commence à verser de la haine et de l’antipathie sur mes sœurs et frères.  L’adage, diviser pour mieux régner est devenu monnaie courante mais  le nouveau précepte est plutôt dénigrer pour mieux s'assimiler.

Lorsque je m’ennuie de toi et  des effluves de ton odeur, je prends la défense de mes pairs et je m’aventure dans la controverse et la polémique.

En dehors de mes montées de lait,  des fois je prie et d’autres fois je me soûle à défoncer mon taux d’alcoolémie.  Je bosse croyant et je me comporte  laïc.

Êtes-vous contentes de moi?