Les parents, amis et voisins de Mehdi Moussaoui estiment que l’adolescent aurait pu changer de cap et devenir un atout pour la société.

Le père de Mehdi Moussaoui peine à retenir ses sanglots. « Je n’ai pas pu protéger mon fils aîné », laisse-t-il tomber. Voisins, amis, intervenants cognent à sa porte depuis jeudi dernier. Tous pleurent avec lui la mort de son garçon de 14 ans, impliqué dans un accident de voiture.

Mehdi Moussaoui et un adolescent de 16 ans ont perdu la vie jeudi dernier. Les deux jeunes ont percuté un arbre au volant d’un véhicule présumément volé, selon nos sources policières. Ils sont soupçonnés par les autorités d’avoir tiré plusieurs projectiles d’arme à feu vers deux automobilistes dans les secteurs de Rosemont et du Plateau Mont-Royal.

Certains resteront convaincus que son fils ne mérite pas d’hommages, le papa de Mehdi Moussaoui en est conscient. Mais la multitude de personnes venues lui présenter leurs sympathies se souviennent du jeune comme d’« un enfant très tendre », gentil, poli, souligne-t-il.

Un enfant qui pourrait être le fils de n’importe qui. Un garçon studieux qui ramenait des bulletins impeccables, un fan de soccer, d’anime japonais. Quelqu’un qui avait des rêves, mais également le potentiel de devenir un atout pour la société. « Il était excellent à l’école. Mehdi avait beaucoup d’amis », insiste le père. Il a préféré ne pas être identifié publiquement par crainte des représailles.

C’était mon fils, mais ça pourrait être votre fils aussi. Je n’ai pas pu le sauver de ça.

Le père de Mehdi Moussaoui

 

Mauvaises fréquentations

Les fréquentations de son jeune fils, il préfère ne pas en parler pour le moment.

« Je savais qu’il y avait quelque chose, mais jamais je n’aurais pensé que c’était à ce niveau-là », glisse-t-il après un moment de réflexion.

PHOTO ALAIN ROBERGE, LA PRESSE
Le rez-de-chaussée de l’édifice où résidait Mehdi Moussaoui était bondé lundi matin. La vaste pièce s’est remplie d’ados dans l’incompréhension, de parents consternés et de Montréalais d’origine algérienne venus soutenir la famille et les proches.

Le garçon avait 4 ans quand il a quitté son Algérie natale avec sa famille pour s’installer à Montréal.

« C’était le plus gentil de tous les garçons et je pèse mes mots », poursuit le papa endeuillé.

Son comportement avait un peu changé depuis environ un an. Une bagarre à l’école, un léger désintérêt envers ses cours. Mais il demeurait le même Mehdi à la maison : mature, calme, intelligent. « Je lui disais change. Tu n’es pas comme les autres. Tu n’es pas de ce genre-là. Je disais tout pour le sensibiliser », assure son papa.

Il veut maintenant passer un message aux jeunes du quartier. « Qu’ils restent solidaires. Je veux que Mehdi soit le dernier à mourir comme ça. »

Des jeunes à fleur de peau

Le rez-de-chaussée de l’édifice où résidait Mehdi Moussaoui était bondé lundi matin. La vaste pièce était remplie d’ados dans l’incompréhension, de parents consternés et de Montréalais d’origine algérienne venus soutenir la famille et les proches.

Des intervenants sur place ont tenté de prendre la parole malgré le bourdonnement des conversations : certains ont versé des larmes, d’autres ont tenté d’apaiser les jeunes qui ne comprenaient pas comment leur petit voisin avait pu en arriver là. Personne ici n’avait de mauvais souvenir de lui.

Nazar Saaty, bénévole à l’Association de la sépulture musulmane au Québec, a également pris la parole. « Chacun d’entre vous a un potentiel incroyable d’être un atout. Le crime, ça ne vous mènera nulle part. »

Narjiss El Moudnib, coach pour les jeunes en difficulté, a aussi prêté main-forte. Lundi matin, elle était l’oreille attentive d’adolescents traumatisés d’avoir à faire le deuil d’un garçon qui leur ressemble.

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Narjiss El Moudnib, coach pour les jeunes en difficulté, est venue à la rencontre de la famille et des jeunes amis du défunt.

 

Ils sont fâchés de voir plusieurs jeunes de leur communauté dans les nouvelles, mais cette fois-ci, c’est un ami.

Narjiss El Moudnib, coach pour les jeunes en difficulté

 

Des adolescents – même des enfants – en quête de leur identité adoptent des comportements nocifs, dit-elle. « On peut faire toute sorte de choses pour avoir de l’attention. Il y a un gros problème d’identité chez les jeunes. Ça peut être le crime, ça peut être la drogue, ça peut être les réseaux sociaux », énumère l’intervenante.

Plusieurs parents impuissants et désemparés lui demandent son aide régulièrement. « Le fardeau est beaucoup mis sur les parents. Et ça n’arrive pas juste aux autres. Des Mehdi, vous en avez peut-être un à la maison. »

Nazar Saaty était du même avis, lundi. « Ce n’est pas juste le père tout seul qui a les capacités et les outils pour gérer ça. »

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Nazar Saaty, avocat-bénévole à l’Association de la sépulture musulmane au Québec

 

Il souhaite que la société aille au-delà des préjugés : il y avait du positif chez Mehdi Moussaoui, dit-il. Le portrait qu’on dépeint de ce jeune ne doit pas se résumer à des préjugés, insiste Nazar Saaty. C’est facile pour les gens de dire qu’il mérite ce qui est arrivé et de remettre la faute sur l’école, le quartier ou la famille, soutient l’avocat de formation. « Ces gens-là ne veulent pas régler le problème. Si un jeune qui pourrait être leur fils a connu cette fin, c’est que nous, en tant que société, on a échoué », résume-t-il.

« Ça fait perdre espoir »

Fadwa, une mère de famille qui préfère taire son nom de famille pour protéger l’identité de ses enfants, connaissait Mehdi Moussaoui. Elle l’a vu courir dans les couloirs de son immeuble, rigoler dans le jardin intérieur. « Un enfant très doux, vous n’avez pas idée. Les parents sont très, très bien », décrit-elle, la voix brisée par la peine.

L’évènement a choqué ses enfants et secoue les parents du secteur. Le défunt avait grandi dans une famille normale, loin du crime et des conflits. « C’est ça qui fait peur. Ça peut attraper l’enfant de n’importe qui. Ça fait perdre espoir », confie Fadwa.

Les prochains jours s’annoncent ardus pour les résidants du bloc. La mère de famille s’interroge : une fois la tempête passée, comment aborder le sujet avec ses enfants ? Comment faire ce deuil collectif et agir en prévention, pour que l’histoire ne se répète pas ?

« J’ai dit à mes enfants, ne laissez pas sa mort passer comme ça. Il faut se demander comment ça se fait qu’un enfant se tourne vers ça. »

 

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