En plus d’avoir payé des pots-de-vin pour obtenir des contrats en Libye, SNC-Lavalin aurait également fait un paiement douteux de 7,5 M$ à destination de l’Algérie, révèlent des documents consultés par notre Bureau d’enquête.

Selon des documents présentés lors du procès de l’ex-vice-président de SNC Sami Bebawi, l’entreprise a déposé cette somme dans le compte d’une compagnie coquille au Panama.   

Ce 7,5 M$ servait à rémunérer secrètement deux cadres, soit Bebawi et Raymond Fortin, présenté comme le directeur de SNC-Lavalin en Algérie.   

« C’était une rémunération exceptionnelle versée par SNC-Lavalin à un de ses directeurs », a expliqué le banquier Hervé Siegrist, lors d’un interrogatoire par les autorités suisses en 2012 qui a été divulgué au procès de Bebawi.   

« SNC-Lavalin est présente en Algérie depuis l’indépendance en 1962 et est très active dans ce marché », a poursuivi M. Siegrist.   

La date du versement à la société panaméenne Salomé Associates Corp. n’est pas précisée dans les documents de la cour.   

Sami Bebawi a été reconnu coupable, dimanche, de cinq chefs de fraude et de corruption relativement au versement de pots-de-vin en Libye.   

L’argent qui lui avait été fourni par SNC-Lavalin pour le versement des pots-de-vin en Libye a transité par une société-écran, de la même façon que les sommes à destination de l’Algérie.   

Un curieux avocat

La façon dont ont circulé les 7,5 M$ aurait été imaginée « par un fiscaliste canadien du nom de Constantine Kyres », selon le banquier Siegrist.   

Constantine Kyres est cet ancien avocat montréalais du prestigieux cabinet Dentons, à la Place Ville Marie, qui a été accusé d’entrave en 2014. Il a bénéficié d’un arrêt des procédures pour délais judiciaires déraisonnables au début de l’année.   

Le témoignage du banquier suisse soulève plusieurs questions sur les activités de SNC-Lavalin en Algérie.

Siegrist révèle que Sami Bebawi lui aurait présenté Farid Bedjaoui, un homme d’affaires algérien, diplômé de HEC Montréal, très proche des hautes sphères du pouvoir algérien.   

Bedjaoui a été condamné à plus de cinq ans de prison en Italie, l’an dernier, pour avoir facilité l’obtention de contrats par l’italienne Saipem auprès de la pétrolière algérienne Sonatrach. Il aurait reçu des pots-de-vin en échange de ces contrats.   

Pas de retour d’ascenseur

Siegrist a expliqué aux enquêteurs suisses qu’éventuellement, Bebawi et Bedjaoui se seraient querellés pour un « retour d’ascenseur » en Chine qui n’est jamais venu.   

La thèse de la corruption en Algérie est également appuyée par le témoignage de l’ancien cadre de SNC, Riadh Ben Aïssa, au procès de Bebawi.    

Ben Aïssa a affirmé que Sami Bebawi l’aurait convoqué au Caire, en Égypte, à la fin des années 1990. Il lui aurait alors dit vouloir instaurer en Libye un système similaire à celui déjà existant en Algérie pour SNC-Lavalin.   

Ce système était basé sur le versement de bonus secrets pour les cadres, selon Ben Aïssa. Les pots-de-vin ont commencé à être versés en Libye peu de temps après cette rencontre.  


https://www.journaldemontreal.com/2019/12/20/lavalin-a-aussi-envoye-des-millions-en-algerie