Ce titre d’un film français réalisé en 1988 pourrait très bien s’appliquer à la manière dont la campagne à l’élection présidentielle algérienne s’est déroulée au Canada.

Cette image est tout simplement suggérée par les événements qui se sont déroulés ces deux dernières semaines à Montréal, principalement ceux qui ont vu se succéder deux personnalités dont les discours étonnent par leur similitude et par la forte conviction qu’ils véhiculent ! Des candidats qui plus est étaient les seuls à être délégués par le FLN. Abdelhamid Si Affif, représentant le staff de campagne du Président sortant et Ghoualmi, ce diplomate qui revient au Canada vingt ans après y avoir représenté notre pays, les deux envoyés d’Alger ont trouvé un terrain balisé et un public prêt à signer un chèque en blanc au candidat qu’ils sont venus soutenir et surtout défendre le bilan de deux mandats. Raison supplémentaire à cette quiétude : il n’y avait pas l’ombre d’une opposition et aucun représentant des cinq autres candidats n’était visible en Amérique du Nord. Du moins officiellement, car les représentations consulaires et diplomatiques n’ont enregistré aucune demande émanant d’éventuels représentants des autres candidats pour la surveillance du scrutin qui a débuté hier.

Une campagne électorale tranquille
Ainsi, c’est comme un long fleuve tranquille, et ce, dès le 17 mars 2009 à l’issue de l’installation d’un comité chargé de conduire la campagne électorale du candidat Abdelaziz Bouteflika en vue de l’élection présidentielle du 9 avril 2009, que les événements se sont déroulés à la manière suisse : avec précision. Dès le coup d’envoi donné à la campagne, c’est une débauche d’actions qui s’est abattue sur Montréal avec l’ouverture d’un bureau , une permanence en fait, qui a servi aux meneurs, Omar Chikh et Saïd Chohra de lancer les
opérations de séduction en direction des membres de la communauté. Les deux représentants ne sont pas des novices en la matière : ils ont tous deux soutenu le président sortant lors de la précédente élection. Ils récidivent cette fois pour appeler à voter pour le même candidat, et disposent d’un soutien manifeste puisque les meetings organisés, avec le soutien d’un réseau de bénévoles, ont vu la participation de quelques centaines de compatriotes qui se sont rendus à ces deux rencontres, au cours desquelles tant M. Si Affif que M. Ghoualmi ont livré des discours où les impressionnantes données chiffrées illustrant les réalisations du président sortant ont donné le tournis aux présents non avertis qui ne suivent pas l’actualité ou qui ne parcourent pas la presse nationale à travers Internet. L’étonnement de certains est même franchement exprimé, à l’exemple de Toufik, ce compatriote, entrepreneur bien connu à Montréal qui, devant le bilan des réalisations exposé par M. Ghoualmi, déclare «être prêt à retourner au pays avec armes et bagages !». Il faut dire que les compatriotes qui ont choisi le Canada pour «une vie meilleure» rencontrent bien des difficultés devant les embûches de toutes sortes pour s’intégrer, l’obstacle principal étant le chômage affligeant qui touche notre communauté, dont le taux élevé (30%) par rapport à la moyenne canadienne est effrayant, rapporté à 10% de la moyenne canadienne. A entendre Si Affif égrener par cœur la longue liste des projets qualifiés de structurants, tels le métro d’Alger, l’autoroute Est-Ouest, l’aéroport Houari Boumediene, les barrages et les unités de dessalement d’eau de mer, les universités qui jalonnent et atteignent presque le nombre de wilayas, il est évident -pour le commun des compatriotes, abreuvé quotidiennement de mauvaises nouvelles par la presse canadienne, qui rapporte régulièrement les catastrophes financières et boursières qui entraînent mises à pied et fermetures d’usines à la pelle- que quelque chose d’exceptionnel se déroulerait en Algérie.Il faut dire que Si Affif a été bien servi par la conjoncture ! En effet, de telles annonces comme le plan de relance de 150 milliards prévu pour le prochain quinquennal tombent à pic, alors que si dans la quasi-totalité des économies du G20 une décroissance de 3% est attendue, notre pays est décrit par la Banque mondiale comme une économie en bonne santé avec une croissance qui devrait être positive (+2,2% en 2009 et +3,5% en 2010), selon son dernier rapport. Autre élément récurrent et qui revient comme un leitmotiv dans les messages délivrés par les envoyés d’Alger : c’est la situation sécuritaire, enfin retrouvée et mise en avant, ce qui, selon eux, ne peut que contribuer davantage à soutenir la dynamique de développement qui s’étendra à toutes les régions du pays.

Seule opposition déclarée : une radio communautaire
Si les cinq candidats n’étaient pas représentés au Canada, l’opposition s’est matérialisée par l’offensive d’une radio communautaire qui n’a pas manqué, par la voie de son animateur, de s’en prendre à tous les soutiens déclarés du Président sortant et ce, dans un éditorial liminaire, lapidaire et incendiaire lu d’une traite et en un seul souffle. Les débats ouverts sur l’élection, à travers une tribune téléphonique, tout en restant dans les limites de la correction, compte tenu de l’anonymat des intervenants, se sont achevés sur un score de parité, ceux qui sont pour ont presque égalé les contre. Cependant, il faut dire que les auditeurs étaient quelque peu sur leur faim, car cette émission hebdomadaire, écoutée par nos compatriotes le samedi soir, avait comme invité, la semaine précédente, M. Si Affif qui, quelques heures après sa descente d’avion, était déjà en studio oú l’attendaient deux journalistes dont la renommée comme contradicteurs n’est pas une légende pour ceux qui les connaissent. Cependant, la ténacité du discours, la détermination dans le verbe, les chiffres avancés et la farouche volonté du représentant du FLN à convaincre, n’ont pas du tout laissé l’initiative aux autres
participants qui n’ont pas eu la partie facile. Un deuxième match était nécessaire pour équilibrer les choses. C’est chose faite en l’absence de contradicteur.

Vote massif ou taux habituel ?
L’élection du président sortant étant acquise, sans contradiction, la seule question qui reste posée est celle relative au taux de participation. Le consul général à Montréal, interrogé par téléphone, espère un vote historique cette semaine et estime l’effort fourni assez important comme celui d’avoir, vu la liste électorale, enrichi de près de 500 nouveaux inscrits, qui s’ajoutent aux 9 500 inscrits sur les listes électorales, à la faveur de la révision des listes électorales intervenue récemment. Cependant, à la lumière des 60 000 résidents algériens au Québec, le nombre d’inscrits est particulièrement bas. Évoquant la campagne électorale qui vient de s’achever, il rappelle les rencontres avec des membres de la communauté algérienne à Québec, Sherbrooke et Trois Rivières, ainsi que les actions de sensibilisation entreprises auprès des électeurs à Montréal, soit l’affichage dans les lieux publics et les commerces ainsi que dans les locaux consulaires, actions qui, selon lui, sont de nature à inciter les électeurs à se déplacer dans les deux bureaux de vote ouverts au sein de la représentation consulaire. Mais d’ores et déjà, un lourd handicap viendra s’ajouter à la frilosité des compatriotes pour cet exercice : c’est la météo. En effet, toute la semaine sera pluvieuse et des flocons de neige sont même annoncés. Du côté de la direction de campagne, installée dans un local situé dans le quartier algérien de Montréal, paré de bleu et qui a servi de point de ralliement pendant toute la durée de la campagne, ce sont les mêmes attentes que l’on relève. Les bénévoles venaient de terminer l’affichage et les visites des commerces et cafés du quartier. C’est d’ailleurs dans ce bureau que se sont déroulées les deux conférences de presse animées par MM. Si Affif et Ghoualmi, auxquelles les représentants des médias communautaires ont assisté nombreux. En témoigne la couverture importante de ces médias qui ont couvert largement les débats qui se sont instaurés lors des rencontres avec les membres de la communauté ainsi que les interviews particulières des conférenciers. Alors, vote massif ou taux habituel de 15% des inscrits ? La réponse sera connue le 9 avril prochain. Mais si l’on se réfère à l’affluence enregistrée ce premier jour, malgré le temps maussade et la pluie intermittente qui sévit depuis vendredi, il est permis de croire que les records de participation ne seraient pas battus. Nous reviendrons sur le sujet le 10 avril 2009.

Source:La Tribune du 5 avril 2009 - http://www.latribune-online.com/evenement/14617.html