La crise serait-elle en train de s’installer entre Alger et Paris suite à la mise sous contrôle judiciaire, depuis le 17 août dernier, du diplomate Mohamed Ziane Hasseni que le gouvernement algérien qualifie de non fondée, voire de « prise d’otage » d’un diplomate au mépris des règles diplomatiques internationales. En tout cas, le malaise est réel à telle enseigne que l’hypothèse du report de la visite d’Etat à Paris que doit effectuer le président Bouteflika au premier trimestre 2009 n’est pas à exclure. « On ne souhaite pas que cette visite soit compromise », nous a-t-il été affirmé de source algérienne autorisée.


Paris. De notre bureau

Par ailleurs, nous croyons savoir que l’ambassadeur de France en Algérie a été convoqué par le secrétaire général du ministère des Affaires étrangères algérien la semaine dernière. « Il est temps de mesurer l’importance de cette affaire et le risque qu’elle peut entraîner sur les relations algéro-françaises », nous a-t-il été indiqué de source algérienne autorisée. Dans une interview à la télévision algérienne, le ministre de la Solidarité nationale, Djamal Ould Abbès, récemment de passage à Paris où il venait de rencontrer Mohamed Ziane Hasseni, lançait : « Ceux qui tirent les ficelles de cette histoire malheureuse ne connaissent pas les conséquences peut-être néfastes qui seront portées aux relations entre les deux pays. Qu’on n’oublie pas que l’Algérie est un partenaire commercial, industriel et social très important de la France et que nous avons une communauté de quatre millions d’Algériens en France. Tout ceci, tous ces paramètres devraient faire réfléchir ceux qui manipulent cette histoire malheureuse. »

Cela sonne comme une mise en garde. Depuis le début de l’interpellation du diplomate Mohamed Ziane Hasseni le 14 août, à sa descente d’avion à Marseille en provenance d’Alger, et sa mise sous contrôle judiciaire (suite à un mandat d’arrêt du juge Baudoin Thouvenot dans le cadre de l’affaire de l’assassinat à Paris, en avril 1987, de l’avocat et militant du FFS André-Ali Mecili), les autorités algériennes se sont montrées soucieuses de ne pas envenimer les relations entre les deux pays, espérant que la justice française finirait par reconnaître l’innocence de Mohamed Ziane Hasseni et que « cet incident regrettable » qu’elles n’ont eu de cesse de déplorer serait clos, nous a indiqué une source diplomatique algérienne à Paris. Les autorités algériennes ne trouvant aucun répondant de la part des autorités françaises, déplorant une « absence de dialogue », semblent estimer aujourd’hui que les limites de leur patience et de leur compréhension ont été atteintes. D’autant qu’elles sont convaincues que « l’innocence de ce haut fonctionnaire injustement mis en cause » est « une évidence avérée » alors que l’immunité diplomatique « n’a pas été respectée ». Les autorités algériennes ont aussi le sentiment que Mohamed Ziane Hasseni a été « piégé » par l’appareil judiciaire français, qu’il est « pris en otage », « retenu ». Mohamed Ziane Hasseni ne serait-il pas victime d’un « deux poids, deux mesures » ?

A la discrétion des autorités algériennes à Alger et de la représentation diplomatique à Paris qui a été considérée par d’aucuns comme un lâchage du diplomate Hasseni, notre source rappelle que « l’ambassade d’Algérie à Paris, qui a pris connaissance de l’interpellation, le 14 août 2008 en début d’après-midi, de Mohamed Ziane Hasseni, par d’autres voies que le Quai d’Orsay, a aussitôt mobilisé les consulats de Marseille et de Paris pour assurer la protection du diplomate ». Et de préciser les démarches suivies : dans la soirée du 14 août, l’ambassade a pris attache avec les services du protocole du Quai d’Orsay. Une note verbale datée de ce même jour a été adressée au Quai d’Orsay signalant l’incident et demandant des explications. Une deuxième note verbale datée du 19 août a été adressée au ministère français des Affaires étrangères au sujet des conditions de l’interpellation de M. Hasseni « sans aucune précaution d’usage de respect des dispositions de la Convention de Vienne du 18 avril 1961 sur les relations diplomatiques ». « Ces deux notes n’ayant pas reçu de réponse des autorités françaises ont été relayées par une démarche officielle de l’ambassadeur d’Algérie auprès du secrétaire général du Quai d’Orsay, Gérard Errera, le 11 septembre. »

Le 28 août, le porte-parole du gouvernement, M. Boukerzaza, déclarait que l’incident était « regrettable », espérant que le diplomate algérien « sera innocenté et rétabli dans ses droits ». Après la confirmation du verdict par la Chambre d’instruction pour le maintien de la mise en examen le 14 octobre, le ministre algérien Mourad Medelci a rencontré « sous le signe de l’urgence » son homologue français, Bernard Kouchner, le 15 octobre pour lui exprimer « la grande préoccupation du gouvernement algérien devant cette affaire qui a pris une tournure inquiétante vis-à-vis du diplomate algérien, malgré des preuves d’erreur sur la personne qu’il a présentées ». M. Medelci avait exprimé « l’étonnement des autorités algériennes devant la lenteur excessive de la justice française » et avait dénoncé « la campagne médiatico-politique déclenchée sciemment autour de cette affaire ». A la faveur de la visite à Alger du ministre néerlandais des Affaires étrangères, le 26 novembre, M. Medelci a souligné, lors d’un point de presse : « Je me suis permis d’attirer l’attention du ministre (des Pays-Bas) lorsqu’on a évoqué la question des droits de l’homme sur une situation paradoxale que les droits de l’homme sont en train de connaître, dans un pays ami et partenaire, la France. » « Ce qui est exactement le contraire des principes des droits de l’homme et de souligner qu’un de ces principes » « est de se considérer comme innocent jusqu’à preuve du contraire ». « Ce droit est, semble-t-il, quelquefois un peu perdu de vue. »

Il est en outre rappelé que, pour sa part, le diplomate algérien s’est mis à la disposition de la justice française pour apporter toutes les preuves montrant la méprise judiciaire qui le confond avec le présumé coupable de complicité dans l’assassinat de l’avocat et opposant André-Ali Mecili, du nom de Rachid Hassani, jusqu’à accepter de se soumettre aux tests ADN, alors qu’en droit c’est à l’accusation d’apporter ses preuves. Le Quai d’Orsay, par la voix de son porte-parole, a souligné qu’« il s’agit d’une procédure judiciaire sur laquelle en vertu de la Constitution le pouvoir exécutif n’a pas de prise ». C’est la seule réaction officielle française aux demandes et démarches des autorités algériennes pour que Mohamed Ziane Hasseni soit rétabli dans ses droits et sa dignité.

 

Source El Watan du 13 decembre 2008: http://www.elwatan.com/Affaire-de-la-detention-du