Aussi paradoxal que cela puisse paraître, la célébration du cinquantenaire de l’Indépendance (1962-2012) est beaucoup plus prise au sérieux en France qu’en Algérie. Cela devient de plus en plus visible des deux côtés

Car au moment où les activités de commémoration se multiplient, sous diverses formes, dans l’Hexagone, le vide semble envahir les lieux chez nous. Dans les cercles officiels, à l’université, dans les médias, chez les producteurs cinématographiques, le cinquantenaire de l’Indépendance ne fait pas sens. Résultat terrifiant : notre Cinquantenaire nous sera présenté par les autres.

Ubuesque, fêter 50 ans d’indépendance de l’Algérie, intéresse plus les Français que les Algériens. Il est affligeant de constater, un demi-siècle après l’Indépendance, que le pays peine à festoyer sa victoire contre le système colonial. Et que sur le territoire français le sujet fait débat dans différents espaces publics et plateaux télévisuels, comme cela a été le cas dans la soirée d’avant-hier où des téléspectateurs algériens ont été invités à suivre, sur France 2, des témoignages sur la Guerre de libération. A l’évidence, une telle émission ne peut pas être diffuser par notre télévision nationale tant le verrouillage est encore de mise et tant que le pouvoir persiste à véhiculer l’Histoire qu’il souhaite entendre et transmettre.

Ce n’est qu’une suite, pour ce qui se fait là-bas, puisque des télévisions, des journaux, des magazines français sont déjà en pleine action en éditant des numéros spéciaux dédiés auCinquantenaire, avec la promesse de produire davantage, à mesure que la date approche. Il est pourtant question de célébrer dans la fierté - sans avoir préalablement à refuser des critiques possibles envers ses propres contre-performances, ni de céder à la tentation du règlement de compte- un rendez-vous de l’Histoire, une date qui fait sens. Ici, en Algérie, la date, naturellement très symbolique pour un pays qui fait 50 ans d’Indépendance, semble déranger à plusieurs niveaux. Et c’est visiblement cet «agacement» qui a fait parler le ministre des Moudjahidine, M. Cherif Abbas, en déclarant que «le programme spécial Cinquantenaire est presque prêt». Vu comme un chantier d’Hercule, le ministre évalue ledit programme à 95%. Les Algériens ne doivent pas ainsi s’impatienter. Les 5% qui restent «seront prochainement achevés».

Une fois, cet écueil surmonté, «le ministère des Moudjahidine va dévoiler les grands axes de cette commémoration». A l’instar du retard, encore une fois vérifié, des médias du pays - nous en sommes aussi responsables avec une absence de créativité et de production -, les officiels sont pris de court par la partie française. Qui, par la voix d’Alain Juppé, ministre des Affaires étrangères, propose «une commémoration du Cinquantenaire dans un esprit de modération en essayant d’éviter les extrémismes de tous bords». Alain Juppé a émis le souhait, en s’adressant à des responsables algériens, qu’«on continue sur cette ligne. Surtout, nous nous étions mis d’accord pour dire : regardons l’avenir. Essayons de fonder la relation franco-algérienne sur l’avenir, et pas sur le passé». Ce genre de discours, les Algériens vont en «consommer» jusqu’à la nausée. Car, de l’autre coté, le moment est sans doute propice pour exporter des produits intellectuels et faire avancer des visions, même celles porteuses de contre-vérités et de mensonges. Peut-il en être autrement, en fait, quand la tendance, ici, est plutôt à l’inaction et au «tout institutionnel».

L’Algérie est-elle si désarmée pour fêter ses 50 ans d’Indépendance ? Nous ne sommes pas loin. L’événement est bien «encadré» ailleurs…


Source: La Tribune