Il y a un an, le printemps arabe déferlait encore à travers plusieurs pays du Moyen-Orient. En février 2011, Hosni Moubarak démissionnait de la présidence de l’Égypte et les contestations éclataient en Libye.

À l’occasion du premier anniversaire du printemps arabe, un colloque est organisé jeudi à Montréal par l'Observatoire sur le Moyen-Orient et l'Afrique du Nord de l'Université du Québec à Montréal. Métro s’est entretenu avec Sami Aoun, membre de la Chaire Raoul-Dandurand de l’UQAM et professeur à l'École de politique appliquée de l’Université de Sherbrooke.

L’hiver islamiste a suivi le printemps arabe, pouvez-vous développer?
Cela signifie que le printemps arabe a été détourné et pris en otage par les islamistes. Ce printemps a été déclenché par un idéal de la liberté sous l’égide de slogans qui se rapportent plutôt au registre de démocratique et libérale.

On commence à appeler la révolution, l’hiver islamiste, car ils [les islamistes] ont joint le mouvement avec des slogans qui entrent en collision avec l’idéale libérale. Cela a entrainé un vent de panique. Les courants islamistes ont été portés au pouvoir de façon démocratique. Quand on dit «hiver islamiste» on l’accompagne d’une charge négative, mais c’est un jugement un peu hâtif.

Parle-t-on encore parler de révolution?
Il y a eu quelque chose qui est plus qu’une insoumission, mais moins qu’une révolution. Il y a une révolution inachevée. Il y a une différence entre les slogans des islamistes et leur capacité à mettre leur utopie dans des politiques appliquées. Ils ne parlent pas d’une seule voix et ils auront des problèmes entre eux à propos des directions à prendre concernant le système bancaire, le tourisme ou la justice sociale, par exemple.

Qu’est-ce qui explique le succès des islamistes?
Les islamistes sont les produits de ces dictatures. Le régime de disaient ou disent : « C’est moi ou le chaos. Moi ou les islamistes ». Les islamistes ont été bonifiés par cette dualité et parce qu’ils étaient victimisés et marginalisés, ils ont gagné une certaine sympathie. Ils ont été vus comme des gens qui n’étaient pas corrompus par le régime.

Quel rôle le Canada joue-t-il face à ces changements géopolitiques?
Le Canada a pris une part active en Libye [au sein de l’OTAN]. Le Canada ne pèse pas très lourd, mais c’est toujours une puissance qui a toujours une certaine crédibilité morale. Les conservateurs en particulier ne voient pas d’un mauvais œil le conservatisme religieux et moral dans le monde. Ils ont eux-mêmes des convictions proches de ce point. Par exemple, ils ne sont pas pour une laïcité exclusive à la française.

Il faut donc être patient avant de juger les résultats de cette révolution?
Il y a une ambition démocratique. Il faut la voir. Il n’y a pas une contradiction entre une appartenance islamique et une appartenance  à la démocratie. Il faut sortir de cette dichotomie. On n’a pas de garantie, mais il ne faut pas fermer l’histoire. C’est un horizon ouvert.

Source: Journal Métro - 15 fev 2012