La campagne électorale a pris fin sans trop faire de bruit au Canada. Hormis quelques événements qui ont marqué son déroulement, la diaspora algérienne n'a affiché que très peu d'intérêt à cette campagne rythmée par le clanisme, le régionalisme, l'opportunisme et la médiocrité. Bref, ce rendez-vous électoral n'a fait que peu de place au débat citoyen.

De l'avis de Idir Sadou, économiste et ancien journaliste, observateur de la scène politique algérienne, «ces élections ne vont rien régler. La crise que traverse le pays appelle des débats de fond qui n'ont pas été abordés lors de cette campagne électorale. J'entends par débat de fond celui sur la laïcité.» Pas étonnant, dans ce contexte, qu'il n'y ait pas eu foule, cette fin de semaine, dans les bureaux de vote, comme auraient pu l'espérer les différents partisans des candidats à la présidentielle. En effet, le taux de participation après 48 heures n'a pas dépassé les 16, 27% dans la circonscription d'Ottawa, alors que dans celle de Montréal il avoisinait les 10%. Même s'il faut attendre jusqu'à jeudi prochain pour préciser quelle sera la tendance électorale en Amérique du Nord et en faveur de qui les 8 000 Algériens inscrits sur les listes électorales, à travers le Canada, porteront leur choix, on ne s'attend pas ici à un engorgement pour les bureaux de vote, compte tenu de la performance des comités de soutien à la candidature de Abdelaziz Bouteflika, de Ali Benflis et de Saïd Saïdi. Du côté du président sortant, rien n'a pu créer un élan en sa faveur au sein de la diaspora, même pas la venue de son émissaire d'Alger, Abdelkader Messahel, ministre délégué chargé des Affaires maghrébines et africaines, qui a animé une rencontre où une soixantaine de personnes seulement s'étaient déplacées et au cours de laquelle il a proféré insultes et menaces à l'endroit de deux participants. Quant au comité de soutien de Ali Benflis, animé par Mounir Hamdani, député de l'Amérique du Nord à l'APN, ses gains sont bien maigres. Hormis un communiqué qu'il a publié dans un journal communautaire pour appeler la diaspora à aller massivement voter, aucune autre initiative significative n'a été orchestrée. En réaction au communiqué du député, un compatriote installé à Montréal depuis une douzaine d'années nous écrit ceci : «Dans un verbiage préhistorique digne des mammouths elfélénistes heureusement presque disparus monsieur l'honorable député de la circonscription américano-asiatique nous a fait l'insigne honneur d'apparaître pour nous annoncer l'extraordinaire acquis, l'immense privilège de pouvoir voter… qu'il vient d'arracher pour nous, pauvres électeurs inutiles qui avions toujours pensé qu'il s'agissait là d'un droit et d'un devoir ! En cela, il dit vrai : jusqu'à son intervention, nous n'avions fait que bourrer les urnes !» Le comité de soutien à la candidature de Saïd Sadi, constitué d'une vingtaine de personnes, s'est fait très discret. D'après l'un de ses animateurs, Saïd Amrane, une campagne d'affichage a été faite du côté de Jean Talon et de Saint-Michel, deux quartiers de Montréal où sont implantés les Algériens. Selon ce dernier, le RCD espère réitérer l'exploit de l’élection présidentielle de 1995 où la diaspora avait choisi la candidature de Saïd Sadi. Le vent a tourné depuis pour le RCD, qui s'est complètement éclipsé de la scène politique montréalaise à cause du revers de son candidat, Mohamed Settouche, élu aux élections législatives de 1997 et qui est allé rejoindre les rangs du FLN et que personne dans la communauté n'a plus jamais revu. Certes, la performance des partis politiques sur la scène montréalaise n'explique pas à elle seule le faible taux d'inscription sur les listes électorales. S'ajoute à cela une certaine méfiance du citoyen à l'égard d'un système dans lequel il ne se reconnaît pas forcément. Des 40 000 Algériens qui résident au Canada, seuls 23 000 sont immatriculés au niveau de la chancellerie et le fait qu'un peu moins de la moitié de la diaspora ne soit pas connue des autorités algériennes relève que nombre d'entre eux ne veulent plus avoir de liens avec les autorités de leur pays d'origine, du moins pas pour le moment. Cependant, les Algériens qui résident au Canada restent, dans leur grande majorité, attachés à leurs pays d'origine, en témoigne leur formidable mobilisation lors des inondations de Bab El Oued et lors du dernier séisme qui a frappé le centre et une partie de l'est. Force est de constater que les partis politiques sont loin de canaliser toutes ces énergies citoyennes.

Source: http://www.elwatan.com/journal/html/2004/04/06/actualite.htm