Connu dans les milieux politiques pour être un baroudeur, Denis Coderre, à la tête du ministère de la Citoyenneté et de l’Immigration, depuis le mois de janvier dernier, est d’abord et avant tout un homme de terrain qui ne laisse rien au hasard puisqu’il connaît ses dossiers avec minutie.

C’est là le souvenir qu’il a laissé au ministère du Sport qu’il a rénové de fond en comble, en l’espace de trois années. C’est dire l’audace doublé de discernement dont il fait preuve dans sa gestion des affaires. De l’audace, il fallait en avoir une bonne dose pour lever le moratoire sur le renvoi des Algériens.

Venez de lever le moratoire sur le renvoi des Algériens dans leur pays d’origine. Pourquoi ce geste, pourquoi maintenant et quel est le processus qui vous a conduit à le faire ?

D’abord en politique, il n’y a jamais le bon moment, il y a le moment. Gouverner, c’est choisir, n’est-ce pas ? Voilà déjà deux mois que je suis à la tête du ministère de la Citoyenneté et de l’immigration, je fais l’évaluation de l’ensemble des dossiers pour la question algérienne, je croyais qu’il était essentiel, dans un contexte de cohérence, de réévaluer la situation. J’ai consulté mes fonctionnaires, et d’autres ministères, et je suis arrivé à la conclusion qu’il fallait lancer un message d’ouverture au peuple algérien.

Un message d’ouverture dans quel sens ?

Dans un premier temps, je réitère que le Canada est signataire des conventions internatiouales pour les réfugiés. Si les personnes souhaitent revendiquer le statut de réfugié, le Canada et un Etat de droit, et ces personnes auront toujours la possibilité de le faire. Si on leur reconnaît le statut de réfugié, le Canada les protégera. D’ailleurs, sur ce chapitre, le représentant du HCR (Haut commissariat des réfugiés) aux Nations unies a reconnu que le Canada était un exemple. Maintenant, dans le cas contraire, ces personnes seront priées de quitter le territoire canadien, ce qui n’était pas possible lorsqu’il y avait le moratoire. Le Canada a toujours été solidaire du peuple algérien. Dans les moments les plus difficiles, nous avons conservé notre ambassade à Alger, et maintenu nos relations commerciales qui s’élèvent à plus de 1 milliard de dollars. Cependant, je suis très conscient qu’il y a encore des difficultés et des choses à améliorer. Et je pense que la levée du moratoire est un pas dans la bonne direction.

La levée du moratoire soulève des inquiétudes chez les ressortissants algériens sans papiers, dont le chiffre s’élève à quelques 1040 cas. Comment allez-vous en tenir compte ? Et surtout, pouvez-vous nous donner la certitude qu’il n’y aura pas de chasse aux Algériens ?

Je dis aux gens ne soyez pas inquiets. Je ne suis pas là pour déporter massivement les Algériens. Non, ce n’est pas cela mon état d’esprit. Ceux qui rempliront les critères pour rester resteront et ceux qui sont là à mauvais escient en paieront le prix. Je veux dire par là que nous avons du respect pour les gens qui font des démarches à bon escient, maintenant les passeurs, ou toute personne qui essaie d’abuser du système, enlève de la crédibilité au système, et crée des imbroglios de sorte à entacher les relations entre le ministère et les administrés. Ils doivent en payer le prix. Ce n’est pas une question algérienne mais mondiale, tous les passeurs doivent en payer le prix. Pour nous, chaque cas est un cas spécifique. C’est un geste pour la cohérence et pour le respect du programme de l’immigration. C’est un geste également pour les 40 000 Algériens qui résident ici et qui ne pouvaient pas recevoir leur famille, à cause du moratoire.

Toujours est-il, on va se retrouver devant le cas de figure où un bon nombre de personnes se retrouvent dans l’illégalité du jour au lendemain avec la levée du moratoire, c’est bien cela ?

Les chiffres présentement sont comme suit : il y a 159 cas qui sont prêt à être renvoyés. Il y a près de 423 cas qui ont passé l’ensemble de la procédure judiciaire, et pour lesquels on est prêt à prendre des décisions.

Ce qui voudrait dire que les 1040 dossiers sont traités au cas par cas, n’est ce pas ?

Oui, toujours. Tous les cas d’immigration sont étudiés d’une façon spécifique. Il y a des cas de compassion, de cas de réfugiés au sens de la convention, des cas d’immigration.

Peut-on s’attendre à un assouplissement concernant la délivrance des visas de tourisme pour les Algériens ?

C’est la prochaine étape. Je rencontrerai les autorités algériennes pour signer ensemble une entente qui nous permette de faire les vérifications nécessaires lorsqu’il y a des demandes de visa, d’immigration et de refuge. Pour moi, un futur réfugié ou un immigrant n’est pas un criminel potentiel, ce n’est pas un terroriste potentiel. Je reste ouvert. Et le geste que j’ai posé est de trouver un équilibre entre l’ouverture et la vigilance. En enlevant cet irritant qui était le moratoire tant du coté algérien que de celui canadien, cela me permet d’agir subséquemment, notamment pour les demandes de visa de visiteurs. Il y aura des conséquences positives pour l’Algérie et pour le Canada avec la levée du moratoire.

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Source: http://www.elwatan.com/journal/html/2002/04/11/cad_actualite.htm