80 000 : c'est la somme que devra payer l'Etat algérien à deux agents consulaires, après sa condamnation par la justice prud'hommale. Les juges ont reproché à la république algérienne l'irrespect de dispositions du code du travail. La république algérienne n'a pas pu se prévaloir dans cette affaire de l'immunité de juridiction.
Des agents dun consulat qui poursuivent leur pays devant la justice où ils exercent leurs activités : laffaire nest pas banale. Cest pourtant la voie quont choisie deux salariés de la représentation consulaire dAlgérie à Montpellier qui sestimaient mal rémunérés. En octobre 2010, ils ont décidé de demander des comptes à leur employeur, la République algérienne, démocratique et populaire devant le conseil de prudhommes de Montpellier. Et celui-ci vient de leur donner raison.
Chacun des deux agents sest vu octroyer environ 80 000 pour une succession dentorses au droit du travail français qui avaient été relevées par leur avocat marseillais Me Jean-Patrice Imperiali. Selon le conseil de prudhommes, le consulat na ainsi pas respecté les règles en matière de repos dominical, de temps de pause, dheures supplémentaires, de remboursement de frais ou encore de versement de salaire pendant un arrêt maladie. Il a prononcé la résiliation judiciaire des contrats aux torts de lemployeur, ce qui ouvre droit au versement de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse. Le non-paiement dun certain nombre dheures effectuées est, par ailleurs, assimilé à du travail dissimulé par le consulat.
Quelle est la justice compétente ?
Lors de laudience, qui avait eu lieu en octobre dernier, les représentants de la république algérienne et leurs avocats, maître Fabien Danjou et Lahcène Benabida, avaient notamment avancé que seule la justice du pays dorigine était susceptible de trancher ce type de contentieux, le conseil de prudhommes devant se déclarer incompétent. Dans une affaire équivalente, opposant un salarié à lambassade du Maroc à Paris, la Cour de cassation avait cependant estimé le contraire.
De la même façon, suivant la jurisprudence de la Cour de cassation, les conseillers ont encore relevé que la nature administrative du travail effectué par les deux agents du consulat - laccueil et linformation du public, lenregistrement des mariages, des naissances... - ne permettait pas à lAlgérie de bénéficier de "limmunité de juridiction" telle quelle est définie par la Convention de Vienne. En clair, le contentieux relevait bien de la justice française et non de son homologue algérienne. Les deux agents ont, enfin, obtenu la condamnation de leur employeur pour violation du principe de légalité de traitement : ils ont démontré que plusieurs de leurs collègues, dans une situation identique, étaient mieux rémunérés.
L'exécution provisoire demandée
Les deux jugements ont été frappés dappel il y a quelques jours mais les prudhommes ont ordonné leur exécution provisoire, ce qui ne laisse pas détonner les avocats Fabien Danjou et Frédéric Mora, particulièrement mécontents du déroulement de laudience et du rejet de certaines de leurs pièces. Le contentieux du consulat dAlgérie aura donc une suite.
Source: Midi Libre - 12 mars 2013