Accueillis à Montréal par la diaspora algérienne comme un véritable baume enchanteur en cette fin de Ramadhan, nos trois artistes venus d’Alger (Radia Manal, Abderrahmane Kobbi et Abdelkader Chaou) ont animé une soirée mémorable à l’occasion du cinquantième anniversaire du déclenchement de la lutte de Libération nationale. L’initiative qui a drainé une nombreuse foule a réuni les amateurs du châabi, venus applaudir les maîtres.

Quoi de plus agréable après un f’tour que de se laisser bercer par ces belles mélodies populaires ? Il faut dire qu’à Montréal les artistes tiennent une place particulière dans le cœur de plusieurs, d’autant plus qu’ils sont souvent capables de miracles. Non seulement ils transportent dans leurs ballots un parfum de miel et de jasmin et, en plus, ils repoussent les limites des frontières en transformant de froides nuits hivernales en de chaudes kermesses. C’est d’ailleurs la raison pour laquelle la Chambre de commerce algéro-canadienne et le RAC (Rassemblement des Algériens du Canada) ont tenu à offrir à chacun des lauréats un prix honorifique pour sa prestation. Cependant, le véritable mérite de cette initiative revient à un habitant de la région montréalaise, Farid Mekidèche et à sa famille qui ont retroussé les manches et ont pigé dans leur tirelire personnelle pour organiser l’événement qui n’a pas été franchement rentable, selon l’organisateur, compte tenu de la cherté des billets d’avion et des divers frais engagés. Bien évidemment, si nos gouvernants n’avaient pas été aussi regardants sur les sommes allouées à la culture, ils auraient pu organiser une fête populaire pour célébrer un événement populaire, y convier la diaspora et honorer nos artistes. Malheureusement, rien n’a été fait dans ce sens. Il faut dire que nos dirigeants manquent horriblement de vision lorsqu’il s’agit de donner à la culture sa juste place. Pourtant, il n’y a qu’à se rappeler des efforts consentis par nos aïeux pour préserver notre culture sous le rouleau compresseur du colonialisme pour se convaincre du rôle et de l’importance pour une nation de préserver son identité et sa culture. Car le colonialisme, c’était aussi la domination d’une culture par une autre culture. D’ailleurs, si l’on compare l’attitude de nos dirigeants avec celle des dirigeants québécois ou canadiens, l’on ne pourrait qu’être jaloux de leur façon de faire. Invitée, l’année dernière en Russie, en Finlande et en Islande pour une visite officielle, Adrienne Clarkson, la gouverneure générale qui fait office de chef d’Etat du Canada, avait demandé à des auteurs, des cinéastes et des musiciens canadiens de l’accompagner. C’est ainsi qu’une pléiade d’artistes se sont envolés avec la première dame du pays pour faire connaître au monde leurs réalisations. Chaque été, cette dernière organise dans les jardins de Rideau Hull, sa résidence officielle, des concerts gratuits de musique classique pour monsieur et madame Tout-le-monde. Aussi, il n’est pas rare de la croiser dans un conservatoire de musique ou dans une école de théâtre ou de danse. Elle y va souvent pour encourager les étudiants et leurs enseignants, nous a-t-elle confié, lors d’une rencontre à Rideau Hull et il lui arrive même d’y découvrir quelques jeunes talents et de les aider à émerger. La semaine dernière, elle a organisé un grand dîner à la résidence d’Etat en l’honneur des lauréats du prix du gouverneur général pour les arts de la scène. Des prix qui sont remis chaque année à des artistes de la scène canadienne dans six catégories : le théâtre, la danse, la musique classique et l’opéra, la musique populaire, le cinéma et la radiotélédiffusion. « Un pays sans artistes est un pays mort », avait coutume de répéter M’hamed Issiakhem, « cet initiateur, cet éveilleur, ce réveilleur même », comme le qualifiait Djamel Amrani, cet autre géant de notre culture.

Source: http://www.elwatan.com/2004-11-13/2004-11-13-7916