Un jeune étudiant répondant au nom d’Alexandre Bissonnette, que je qualifie tout simplement d'imbécile, a commis l'irréparable, un certain dimanche 29 janvier 2017, à l'intérieur même d'une mosquée, située au cœur de cette belle et douce ville du Québec.

Armé d'une mitraillette et d'un pistolet automatique, cet homme de 27 ans, de nationalité canadienne, a osé tiré à bout portant sur des fidèles, au moment de la prière d'El-Icha, causant ainsi la mort de six personnes, laissant derrière elles des veuves et des orphelins, et blessant une dizaine d'autres, dont quatre se trouvent encore dans un état grave.

Que cet attentat soit qualifié d'acte terroriste ou de meurtre prémédité, cela ne change en rien à sa gravité et à son caractère odieux ; à moins de vouloir l'interpréter sous un angle politique, là n'est pas mon intention, ni l'objet de mon commentaire. On dit souvent que c'est dans les pires situations que nous en apprenons le plus sur nos limites.

Cependant, dans ce cas précis, la société tout entière doit se remettre en question et se demander pourquoi la haine, l'ignorance et la bêtise ont pris, encore une fois, le dessus sur l'unité et l'amour.

J'essayerai, à ma façon, de donner les réponses qui me paraissent plus plausibles, bien que je ne sois ni un spécialiste de la question ni même un sociologue capable d'approcher lucidement le sujet.

Etant citoyen canadien musulman, choqué et attristé par l'absurdité, je fus rapidement soulagé par cet élan de solidarité et d'amour sans précédent. Comme si j'avais reçu un baume bien chaud sur ma plaie et a rapidement soulagé ma douleur, en me redonnant espoir et confiance. Je suis tout de suite passé à la conclusion que cet attentat enclenchera une solidarité, sans commune mesure, des diverses communautés au Canada.

Je confirme mon sentiment le plus profond de cette société canadienne qui n'arrête pas de nous démontrer combien le multiculturalisme et le vivre-ensemble sont importants. Pour preuve, ces centaines de messages de soutien à la communauté musulmane et aux familles des victimes, ces bouquets de fleurs déposés aux abords de la mosquée visée par l’attentat, ces campagnes d'aide financière, ces deux grands rassemblements réunissant des milliers de personnes de toutes origines, tenus dans les deux villes de Montréal et de Québec... Il y a, par ailleurs, ces interventions compassionnelles et pleines de sens de la classe politique, toutes unanimes et fort élogieuses à l'endroit des immigrants et des minorités. La quasi-totalité des élus a insisté sur l'importance qu'il y a lieu d'accorder au dialogue interculturel et au rapprochement entre les Canadiens de toutes origines.

Le Premier ministre du Canada, Trudeau, a déclaré : «Je veux que les immigrants sachent que nous sommes tous des citoyens du Canada, que nous tenons à eux et qu'ils sont ici chez eux et en sécurité.» Il est rapidement relayé par le chef du gouvernement du Québec, les responsables de parti, certains maires de provinces, les députés, etc. qui ont, chacun à sa manière, propagé ce message de solidarité et d'unité, tout en tenant à rappeler que le Canada devait rester vigilant face au terrorisme et à tout ce qui divise.

Bien que l'auteur de l’attentat soit vu comme quelqu’un aux idéaux de la droite et ultra nationaliste, il reste cependant qu'au Canada les cellules qui évoluaient, à un moment donné, au sein de la mouvance d'extrême droite ont totalement disparu du terrain de l'action concrète.

Cela suppose naturellement que le gouvernement a des règles bien établies et transparentes, des lois au-dessus de tous et une justice indépendante et impartiale, qui font que toute la société canadienne est parmi celles qui fonctionnent le mieux au monde. Ceci ne signifie pas pour autant que le racisme, l'intolérance et les préjugés ne sont plus d'actualité. Nous assistons malheureusement à une stigmatisation des musulmans partout dans le monde, notamment en France depuis l'année 2000. Cette réalité, via des images et informations, que nous écoutons et voyons à longueur de temps, a fini par voyager même en Amérique du Nord pour contaminer cette région du monde et renforcer ainsi les stéréotypes et les préjugés. Cette rhétorique islamophobe, décomplexée a alors boosté certains réactionnaires et autres extrémistes qui étaient en état d'hibernation au sein des cellules dont je parlais plus haut afin de commettre l'irréparable.

Il se trouve que certains discours politiques, à la manière de Trump, qui sont souvent au menu de bon nombre de radios «poubelles», nourrissent, malheureusement, eux aussi, la haine et l'islamophobie.

En tout cas, pleurer quelques instants n'a rien de mal et reconnaître ce qui nous arrive nous rend humains et forts.

A. M. - Economiste (Canada)

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