L’arrestation d’un steward d’Air Algérie en possession de cocaïne, à son retour de Bamako, a permis de démanteler un véritable réseau international de trafiquants de drogue.
Neuf personnes, dont huit membres du personnel navigant, ont été placées sous mandat de dépôt et trois autres sous contrôle judiciaire. Certains mis en cause dénoncent le fait que des noms de fils de personnalités, cités lors de l’enquête préliminaire, soient dissimulés…
Ce que certains qualifiaient de fait divers ou de cas isolé de trafic de drogue est en train de s’acheminer vers un vaste réseau de commerce de cocaïne avec des ramifications nationales et internationales. Selon certains avocats et familles des mis en cause, des pressions s’exercent sur quelques-uns des prévenus pour qu’ils «reviennent» sur leurs déclarations «en contrepartie d’une éventuelle mise en liberté».
Le but évident est «d’éviter une quelconque poursuite aux personnalités citées lors de l’enquête préliminaire» menée par les officiers de la police judiciaire du Département du renseignement et de la sécurité (DRS) dépendant du ministère de la Défense nationale.
En fait, l’enquête a démarré début octobre dernier, à l’ambassade d’Algérie à Bamako, la capitale malienne, où des informations sur l’acheminement de cocaïne vers l’Algérie, avec la complicité de certains membres d’équipage d’Air Algérie, auraient circulé. Des renseignements recueillis auprès du personnel de l’hôtel où loge l’équipage d’Air Algérie confirment les rumeurs. Le vol Alger-Bamako est mis sous surveillance depuis déjà quelques jours. Le 12 octobre 2011, de retour de la capitale malienne, le vol atterrit à l’aéroport Houari Boumediene, à Alger.
Des officiers du DRS interpellent un des stewards. Ils découvrent sur lui plus de 200 grammes (et non 900 comme annoncé auparavant) de cocaïne dissimulée dans ses sous-vêtements. Il est tout de suite placé en garde à vue. L’enquête préliminaire aboutit à de nombreuses autres arrestations, notamment dans les rangs du personnel navigant de la compagnie aérienne. Le 16 octobre, une dizaine de personnes, dont huit stewards, un commerçant, trois policiers (dont deux officiers), sont déférées devant la justice pour «trafic international de drogue, commercialisation et consommation de drogue». L’affaire est instruite par le juge du pôle spécialisé d’Alger, qui ordonne la mise sous mandat de dépôt de neuf personnes, dont huit stewards, parmi lesquels le responsable de la section syndicale (UGTA) du personnel navigant et un chanteur très connu sur la place d’Alger, qu’aurait cité le principal mis en cause. Trois autres accusés sont maintenus sous contrôle judiciaire.
Les premiers éléments de l’instruction font état d’un présumé réseau de trafic de cocaïne qui importait de la drogue d’Espagne avec la complicité de quelques membres du personnel navigant. Cependant, il y a quelques mois, le marché espagnol a été délaissé au profit de celui de la capitale malienne où la cocaïne serait, selon certaines indiscrétions, de meilleure qualité et à moindre prix. A en croire nos interlocuteurs, la livraison de cette drogue dure se faisait dans un hôtel du centre-ville de Bamako, fréquenté par le personnel navigant d’Air Algérie.
Une fois acheminée à Alger, la cocaïne est rapidement commercialisée dans les quartiers huppés de la capitale et de l’Oranie ; les clients se comptent surtout parmi des enfants de personnalités connues. La chambre d’accusation a confirmé les décisions du juge, en dépit du fait qu’elles aient suscité les interrogations des uns et des autres. En effet, certains noms, cités comme étant de gros consommateurs, auraient «disparu» au niveau de l’instruction, alors que d’autres «ont été non seulement inculpés mais également placés en détention provisoire».
Quelques familles auraient même subi des «pressions» afin que leurs enfants reviennent sur les propos tenus devant la police judiciaire «en contrepartie d’une éventuelle mise en liberté». N’ayant pas accepté que des «personnes soient mises à l’écart des inculpations», certaines d’entre elles menacent «d’interpeller l’opinion publique en divulguant les non-dits de cette affaire». C’est dire que le juge a à traiter une lourde affaire ayant des ramifications non seulement en Algérie, avec tout le poids des interférences, mais également à l’étranger où des commissions rogatoires ne sont pas à écarter. Le magistrat est donc appelé à élucider le mystère de ce «trafic» qui, au-delà du gain colossal qu’il génère, détruit à petit feu un large pan de la jeunesse.
Source: El Watan