Affirmer que les citoyens ne sont pas heureux n'est pas un scoop. Ils ne trouvent ni cadre de vie adéquat, ni loisirs, ni activités culturelles.

Téméraires, certains citoyens tentent de se frayer un chemin pour mieux se porter, mais c'est peine perdue d'avance. Les Algériens croulent sous le stress, le chômage, les problèmes de transport, la pollution, la cherté de la vie et parfois l'insécurité. Des problèmes qui poussent les jeunes générations à tenter leur chance sous d'autres cieux plus cléments. Une étude rendue publique par les services de la Sûreté nationale a révélé que «33% de jeunes Algériens rêvent de s'installer à l'étranger». Dans un pays aussi beau que l'Algérie, les citoyens -surtout des jeunes- suffoquent, stressent, dépriment, se découragent et désespèrent... un véritable gâchis! En cette période de l'année qui coïncide avec l'été, les congés, le mois de Ramadhan, le climat est terriblement morose. Même les espaces de loisirs font défaut. Peut-on se détendre à Alger? Existe-t-il des parcs où l'on peut respirer une bouffée d'oxygène tranquillement et se sentir en sécurité? Les Algériens sont de plus en plus rares à s'offrir le moindre moment de détente, leur quotidien étant «pollué» par les soucis. C'est que partir en vacances est devenu un luxe pour une bonne partie des Algériens. Les vacances leur sont inaccessibles. «Entre nous, combien d'Algériens peuvent-ils se permettre un congé digne de ce nom? En tout cas, personnellement, je ne peux même pas me permettre une seule journée», reconnaît, Fateh, un jeune salarié. Comme lui, de nombreux Algériens sont contraints de rester chez eux. Passer ses journées à la maison ou déambuler dans sa cité, tel est le seul choix qui se présente à eux. Supposés être des lieux de détente et de loisir, les différents parcs d'attraction, salles de cinéma, théâtres... enregistrent les fréquentations des plus faibles. Et cela en raison de plusieurs facteurs relevant de la spécificité de chaque lieu.
Saïd, résidant au niveau de la capitale, illustre ce propos avec les prix d'accès élevés à certains parcs. Il cite le Jardin d'essai dont l'entrée est à 60 dinars. «Pas évident», dit-il ajoutant que pour passer une seule journée dans ce parc, il faut dépenser au moins 2000 dinars.

«On n'est pas heureux»

Affirmer que les citoyens ne sont pas heureux n'est pas un scoop. Le seul lieu qu'ils affectionnent, c'est chez eux. Ailleurs, ils ne trouvent ni cadre de vie adéquat, ni loisirs, ni activités culturelles qui permettent leur l'épanouissement. Ceux qui tentent de fuir leur ville, quartier ou village pour se détendre n'ont que deux choix. Soit la mer, soit la montagne. Pourtant même, de ce côté-là, la situation est pire. Les plages étant la destination phare en période d'été, réservent leurs surprises. Elles sont sales, surpeuplées, non surveillées ou carrément privées! Cerise sur le gâteau, ces mêmes plages ne sont pas sécurisées. Un conseiller du ministre du Tourisme a fait savoir que sur les 548 plages réparties sur les 14 wilayas côtières du pays, 352 sont autorisées à la baignade. Et de préciser que sur les plages autorisées, 380 parcelles ont été attribuées aux opérateurs privés. Mais le problème dont se plaignent le plus les vacanciers, est que ces espaces cédés à des agents privés en plus du fait que leur accès demeure très coûteux, ne répondent même pas à leurs attentes. «Si tu es pauvre il faut aller dans une plage sale car les meilleures plages sont pour les riches qui ont les moyens de payer leur baignade», ironise Nacer en quittant la plage «Marina Beach», située à Bordj-El-Bahri à l'est d'Alger. Ceux qui semblent l'avoir compris de sitôt, et qui ont opté pour la campagne, se verront vite freinés dans leur élan. Non pas parce que certaines forêts soient privées, donc payantes aussi, mais simplement parce que dans la majorité des cas, les forêts ne sont pas entretenues du tout car transformées en décharges et subissent les effets du braconnage.

Le suicide ou le recours fatal

Plusieurs cas illustrent ces atteintes à l'environnement. Ces espaces considérés comme des aires protégées par la loi font l'objet de véritables crimes contre la nature, sans que les pouvoirs publics ne réagissent. Comparativement à beaucoup de pays, l'Algérie est encore très loin en matière de préservation de l'environnement. Qu'il s'agisse des forêts, des parcs nationaux, du littoral, la réglementation est claire, mais elle est loin d'être respectée. L'Algérie, qui a adopté, dès le début des années 2000, un programme de protection de l'environnement assorti d'un important arsenal législatif semble en pâtir. Aujourd'hui, ces espaces censés être une véritable bouffée d'oxygène se trouvent dans une situation désastreuse. Chassées de partout, les populations sont ainsi confinées dans un quotidien morose, stressant et évoluant dans un milieu quasi hermétique et ne semblent pas sortir de l'auberge. Car dans un autre domaine, aussi sensible que celui de la santé publique, le citoyen ne connait pas de détente encore. En simple consommateur cloîtré chez lui, il demeure exposé au danger des produits alimentaires malsains, gâtés, mal étiquetés ou falsifiés. Le manque d'hygiène et le non-respect de la chaîne de froid favorisent souvent les intoxications alimentaires qui augmentent de façon particulière durant l'été. Avec l'arrivée des grandes chaleurs, les risques de contamination des aliments par des bactéries se multiplient. Ce qui rajoute son lot de stress et de mal-vie. D'ailleurs, les données du ministère de la Santé, et de la Population et de la Réforme hospitalière précisent qu'entre 3000 et 5000 cas d'intoxications alimentaires sont enregistrés annuellement. Cela donne froid dans le dos quand on sait qu'entre 160.000 et 170.000 infractions d'ordre alimentaire sont enregistrées annuellement dont 71% relatives au non-respect des conditions d'hygiène, que ce soit lors de la présentation des produits alimentaires ou dans les restaurants et les fast-foods. Pourtant, la lutte contre les intoxications alimentaires nécessite une coordination entre les différents secteurs, notamment celui du commerce et de la santé. Ce qui est loin d'être le cas. Ainsi, la mal-vie continue en ne laissant aucun choix aux Algériens sauf celui de la déprime. D'ailleurs, certains sont poussés carrément au suicide. Le constat fait par la police le confirme, le phénomène connaît une constante évolution depuis l'année 2005. Effarant, mais le chiffre est officiel: «Chaque jour, un Algérien se suicide». L'on recense, officiellement, une trentaine de suicides par mois en Algérie. Parallèlement, des centaines de barques s'aventurent quotidiennement en mer, pour le «meilleur», mais surtout pour le «pire».


Source: L'Expression