Après 45 ans de malheur d’une famille qui n’a jamais eu ce que peut avoir naturellement un citoyen algérien, pendant que vous êtes confortablement installé dans le luxe des privilèges de la République et des cadeaux de vos amis et pairs arabes, moi, je subis jusqu’à ce jour les conséquences de mon alliances avec vous. En effet, depuis  des années vous avez fait de ma vie un enfer par vos consignes honteuses autour de vous concernant ma personne. Ici et là, vous avez semé votre grain, distillé votre poison en disant, partout, que j’ai utilisé abusivement votre nom pour acquérir quelques avantages. Permettez-moi, M. Ben Bella, de vous dire que votre nom était tellement chargé de négation, que son usage auprès d’autres, ne m’avait rapporté qu’ennuis et éloignement. D’autre part, je n’avais aucun besoin. Par contre, laissez-moi-vous rappeler que si vous n’avez souffert d’aucune interférence de ma part auprès de votre entourage, moi, j’ai souffert tout au long de ma vie de votre proximité. Si j’ai eu le bonheur d’épouser votre nièce en 1963, je n’ai malheureusement connu que des déboires à cause de vous. Je rappelle à votre mémoire défaillante les faits qui ont marqué ma vie à cause de vous.  En septembre 1963, vous m’avez chargé de convaincre les résistants au massif de Collo-Djidjelli de vous rejoindre, ce que j’ai accompli à votre grande satisfaction au péril de ma vie. En juin 1965 (19 juin), j’ai été arrêté à l’entrée de Skikda et ramené à Alger un mois plus tard où j’ai passé une semaine à Bouzaréah et 14 mois dans des conditions infamantes dans un espace de 2m2 dans les sous-sols d’une villa à Poirson (colonne  Voirol), entre les mains de la sécurité militaire. La raison ? Pour ma simple alliance avec  vous, rien d’autre. Présenté devant le procureur militaire qui m’a placé sous mandat de dépôt à la centrale de Blida avec motif “atteinte à la sécurité  intérieure et extérieure de l’État”. Ceci peut vous honorer, M. Ben Bella, que Salah Nadjeh n’était pas arrêté pour détournement ou enrichissement des deniers de l’État ! Après 5 mois j’ai été libéré sans être condamné, n’ayant aucun délit que ma parenté avec vous.

Vous ne m’avez ni gratifié d’une haute fonction, ni attribué un avantage matériel quelconque, pour mériter ces souffrances. Récemment, vous avez même convaincu les autorités d’un pays voisin, la Libye, en l’occurrence, de renoncer à me payer des prestations justifiées me plaçant de ce fait dans une situation précaire, dans un pays où j’ai tenté de gagner ma vie. Non content de cette intervention néfaste qui a nui à mes intérêts légitimes, vous avez de surcroît interféré dans l’examen de mon dossier de réhabilitation au niveau du ministère de la Défense nationale. D’ailleurs, à chaque anniversaire du 1er Novembre et du 5 Juillet, fêtes nationales, j’ai reformulé la même demande de réhabilitation à laquelle j’ai un droit imprescriptible, depuis le 2 juin 1965 à ce jour je n’ai  jamais perçu 1 dinar de l’État, ni avantage comme mes compagnons d’armes, mais  hélas, celle-ci s’est toujours heurtée au veto que vous avez émis préalablement et qui reste toujours en vigueur. Par votre faute, j’ai été démobilisé d’office par Houari Boumediène, le 2 juin 1965, sans indemnité aucune, après avoir été officier de l’ALN-ANP depuis janvier 1959 à juin 1965.

Que la honte soit sur vous, M. Ben Bella, d’avoir bouleversé le cours de mon existence et celle de ma famille qui subit jusqu'à ce jour les conséquences de vos commérages ! Comme nous sommes tous les deux, hélas, à l’âge de quitter ce monde, je vous écris cette lettre pour dire toute ma colère et mon aversion à l’endroit de votre personne et pour laver mon honneur de vos salissures pour que ma famille et mes amis nombreux sachent que je ne vous dois rien de rien, bien au contraire. Il ne me reste plus qu’a vous dire wakilek Allah.

Nadjeh Salah
ex-officier de l’ALN-ANP

Source: Liberté