Pendant presque 20 ans, un Montréalais a encaissé de l'aide sociale en dépit du fait qu'il sillonnait l'Europe et qu'il y rencontrait des individus, qui, depuis, ont été tués ou associés à des activités terroristes, soutiennent des avocats de la GRC et du SCRS.

 

Dans des documents déposés récemment en cour, les avocats gouvernementaux soutiennent que Mohamed Omary est sans emploi et qu'il vit aux crochets de l'État depuis son arrivée du Maroc au début des années 90. Pourtant, il a trouvé les moyens de se rendre en Europe à plusieurs reprises de 1993 à 1999.

À l'étranger et à Montréal, Omary s'est lié dans les années 90 à un groupe de six hommes qui sont devenus par la suite des terroristes islamistes notoires, avancent la Gendarmerie Royale du Canada (GRC) et le Service canadien de renseignement et sécurité (SCRS).

Ces affirmations font partie de la réplique qu'Ottawa a présentée contre une poursuite d'un million $ lancée par Omary parce qu'il aurait été traité inéquitablement par les services secrets canadiens.

Jamais accusé

Père de quatre enfants, Omary nie toute implication terroriste et n'a jamais fait l'objet d'accusations, même si son beaufrère a été expulsé du Canada pour des raisons de sécurité nationale.

Le domicile d'Omary a été perquisitionné en 1999 par la police à la demande du gouvernement français et son téléphone a été mis sous écoute, révèlent les documents déposés en cour.

Le porte-parole du ministre de l'Emploi et de la Solidarité sociale, Thierry Audin, a refusé de faire des commentaires sur le cas d'Omary ou sur son statut de bénéficiaire de l'aide sociale. «Il s'agit de renseignements personnels. Nous ne pouvons faire aucun commentaire à ce sujet», a-t-il affirmé.

Omary s'est rendu en France, en Allemagne, aux Pays-Bas, en Bosnie, en Croatie, en Slovénie et il a fait plusieurs voyages au Maroc et en Turquie, en effectuant des séjours d'un mois, dont un dans un hôtel quatre étoiles, indiquent les avocats de la GRC et du SCRS dans les documents déposés en cour.

Au cours des années 90, Omary s'est inscrit à un club de tir de Longueuil où il a appris à manier des armes comme des fusils d'assaut AK-47, en se présentant comme un travailleur humanitaire, indiquent les documents du gouvernement.

L'avocate d'Omary, Johanne Doyon, n'a pas répondu à nos appels au sujet de son client.

L'année dernière, Omary a lancé une poursuite d'un million $ contre le gouvernement du Canada en Cour supérieure. Il soutient que les autorités canadiennes ont prévenu le Maroc au sujet d'un voyage qu'il y a effectué en janvier 2002, peu de temps après les attentats du 11 septembre 2001.

Possédant la double nationalité canado-marocaine, il fut arrêté par les autorités marocaines à l'aéroport de Casablanca et son passeport canadien fut confisqué.

Omary soutient qu'on l'a empêché de revenir à Montréal pendant deux ans, tandis que les agents du SCRS et des services de renseignement marocains tentaient de le forcer à devenir un informateur à son retour à Montréal. S'identifiant comme «Claude et Christian», deux agents du SCRS l'ont rencontré au Maroc. Selon Omary, les agents lui auraient fait peur et auraient accentué ses problèmes cardiaques.

Il réclame compensation de la part du ministère de la Justice, de la GRC et du SCRS pour ce qu'il appelle des «revenus perdus» ainsi que pour privation de liberté, stress et séparation de sa famille.

Dans la poursuite Omary se décrit comme un «travailleur informatique de profession et un travailleur autonome au Canada depuis plusieurs années».

En réplique, les avocats fédéraux ont soutenu que ni la GRC ni le SCRS ne savaient qu'Omary s'était rendu au Maroc en 2002. Aussi, il était impossible que les autorités marocaines aient été prévenues.

Les avocats fédéraux ont remis en question le fait qu'Omary se présente comme un travailleur informatique, en affirmant qu'il est inscrit à l'aide sociale depuis le début des années 90.

«Depuis les années 90, M. Omary est prestataire d'aide sociale, et il n'a pas perdu de revenus de travail, il n'a pas subi de dommages ou préjudices moraux à cause de ses voyages au Maroc», indiquent les avocats fédéraux.

À la fin des années 90, le nom d'Omary avait été associé à une cellule dormante islamiste à Montréal dans des textes de nouvelles.

Quand un juge français est venu à Montréal pour l'interroger, Omary a refusé de répondre aux questions concernant les personnes qu'il fréquentait et aurait raté l'occasion de dissiper toute ambiguïté sur ses fréquentations, suggèrent les avocats fédéraux.

Source: Le Journal de Montréal - Edition du 10 mai 2010