La ministre Line Beauchamp a eu bien du mal, hier, à nous convaincre du bien-fondé de la subvention accordée à une école privée musulmane controversée de Montréal.

Le ministère de l'Éducation verse en effet depuis 2006 plus d'un demi-million de dollars par année à une école primaire musulmane que certains qualifient d'intégriste, nous a appris la semaine dernière Rue Frontenac. L'école Dar Al Iman (ce qui signifie Maison de la foi) est affiliée à la Muslim Association of Canada (MAC), qui se réclame du mouvement, légal mais très controversé, des Frères musulmans. Voilà qui inquiète bien des gens, au sein même de la communauté musulmane, notamment. Le fondateur du Congrès musulman canadien, Tarek Fatah, accuse la MAC de disséminer une philosophie antioccidentale, antisémite, anti-gais et anti-femmes.

Je ne sais pas si ces accusations sont fondées. La ministre de l'Éducation semble croire que non. Elle répète que l'école Dar Al Iman respecte «en tous points le régime pédagogique québécois» et que la MAC ne figure pas sur la liste des organisations terroristes ou dangereuses de Sécurité publique Canada. Quant au directeur de l'école, Lazhar Aissaoui, qui est aussi membre du conseil d'administration de la Muslim Association of Canada, il n'a pas répondu hier à ma demande d'entrevue. À Rue Frontenac, il a déclaré que ces accusations sont injustes et paranoïaques.

Je ne sais pas si ces accusations sont fondées, mais ce que je sais, c'est que les textes et les photos qui se trouvent sur le site de l'école, où l'on voit une majorité de fillettes voilées, soulèvent bien des questions. Ils laissent croire, même si l'école se réclame officiellement d'une philosophie «non dogmatique», que le dogme et l'endoctrinement y sont bien présents. Quand des petites filles de 8 ou 9 ans portent le voile, peut-on vraiment parler de libre choix? J'en doute.

Cela dit, à mon sens, la controverse au sujet du financement de cette école soulève une question beaucoup plus large. Que les accusations soient fondées ou pas, cela ne change rien au fait que cette école, comme toutes les écoles ethnoreligieuses à tendance ghettoïsante, ne devrait pas recevoir de financement public, un point c'est tout.

J'ai l'impression de me répéter, ou plutôt de prêcher dans le désert, mais je n'arrive pas à comprendre comment l'État peut cautionner des écoles religieuses qui isolent des proportions importantes d'enfants de certaines communautés et vont à l'encontre d'un principe fondamental de notre système d'éducation. Je continue à croire que le fait de faciliter la ségrégation pour les uns tout en vantant les mérites de l'école comme vecteur de culture commune pour les autres est un non-sens.

Le Québec a choisi de rendre son système scolaire laïque il y a 10 ans. Il a choisi de refuser le modèle communautariste en matière d'éducation. Il a choisi de faire de l'école le creuset par excellence d'une culture citoyenne commune. Et il a le devoir de faire en sorte que sa politique publique reflète ces choix de société. On ne peut pas, d'un côté, prôner les grands principes de l'école du «vivre-ensemble» et, de l'autre, financer des écoles qui, tout en se réclamant de ce même principe, demeurent dans les faits des exemples du «vivre-séparé». C'est tout à fait absurde.

Si des parents tiennent absolument à envoyer leurs enfants dans une école privée musulmane, juive ou catholique, c'est leur droit le plus strict. Mais l'État n'a pas à cautionner ce choix. Cette question fondamentale n'avait été malheureusement qu'effleurée par le rapport Bouchard-Taylor en 2008. Les commissaires avaient timidement demandé à Québec de «prêter attention» aux mises en garde concernant les écoles ethnoconfessionnelles. Quand on connaît le sort réservé par le gouvernement Charest aux recommandations beaucoup moins timides de ce rapport (la poubelle), on ne peut être surpris du déficit d'attention suscité par les autres suggestions.

Que l'école soit musulmane, juive ou catholique, le principe devrait être le même pour tous. On aura beau faire dans ces écoles de grands plaidoyers pour l'ouverture et y offrir des cours d'éthique et de culture religieuse pour tous, un fait demeure: une école à vocation religieuse où les élèves ne côtoient que des gens de leur communauté n'est pas tout à fait ce qu'on appelle un haut lieu d'intégration. Ce n'est pas un haut lieu de diversité non plus. Cela ressemble davantage à un ghetto. Et ce n'est certainement pas un modèle que l'État doit encourager avec des fonds publics.

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Source: Cyberpresse.ca