Allô! C'est bien le comité de soutien à la candidature de Bouteflika ? Non madame, c'est une pizzeria ici», nous dit une voix d'homme dans un français approximatif.

«Une pizzeria ? Oui, c'est bien cela… La pizzeria Al-Salam», nous confirme-t-on. L'anecdote véridique résume bien l'état de l'organisation des troupes des différents comités de soutien à la candidature du président Bouteflika.

L'un de ces comités, dénommé El Wiffak El Djazzairi, Commission de coordination des comités de soutien à M Bouteflika a poussé l'effronterie jusqu'à acheter un encart publicitaire dans un journal communautaire maghrébin de Montréal pour annoncer sa création en donnant comme adresse et numéro de téléphone celui d'une pizzeria.

Mais il se trouve que, dans le même journal, figure également une publicité de ladite pizzeria… Al-Salam. Le patron de la pizzeria, quant à lui, est formel. Il ne fait partie d'aucun comité de soutien. Par ailleurs, il nous informe qu'un ami à lui en charge du comité a fait le déplacement à Alger en vue de préparer l'élection du 8 avril prochain.

L'annonce publicitaire, qui invite les membres de la communauté algérienne au Canada à se rapprocher de la permanence (la pizzeria), nous informe que le comité a tenu une séance de travail sous la présidence d'un certain Mebarek Ghazi qui fait des affaires entre Alger et Montréal, a-t-on appris.

Un autre comité de soutien, celui-ci présidé par Omar Chikh, qui travaille en qualité de conseiller spécial pour le Maghreb, dans une boîte d'avocats montréalaise, bien que ne reconnaissant pas le désordre régnant, appelle tous les comités à se joindre à lui.

Ce dernier n'en est pas à sa première campagne présidentielle. Déjà, en 1995, il avait formé un comité de soutien à la candidature de Zéroual.

Dans une entrevue accordée à El Watan, il nous a indiqué qu'il servirait le prochain candidat, fût-il Bouteflika ou un autre. Néanmoins, il considère que le président Bouteflika est le candidat idéal, compte tenu de son carnet d'adresses.

Omar Chikh est épaulé dans sa démarche par un autre Algérien installé au Canada depuis une vingtaine d'années originaire de la même région que lui, Saïda.

Hafsi Chikh Belfedil est un homme d'affaires qui a assisté au dernier congrès du FLN pour finalement se ranger du côté des redresseurs. Quelques indiscrétions nous ont appris qu'il n'y a pas si longtemps, les deux hommes n'étaient pas vraiment sur la même longueur d'onde, chacun voulant probablement prendre la tête du comité.

Toujours est-il que ces deux derniers, rencontrés vendredi, donnaient l'air d'être les meilleurs amis du monde.

D'autres personnes, originaires pour la plupart de l'Ouest, se sont joints au comité dirigé par Chikh, mais ne souhaitent pas être publiquement identifiées comme telles.

Pourquoi ? Elles n'ont pu nous l'expliquer. Simple méfiance ? Calcul politique ? On ne le saura pas. Quelques personnes nous ont même appelés pour nous préciser qu'elles ne voulaient pas que leur nom soit mentionné dans la presse.

Il y a encore un troisième groupe…, constitué d'une seule personne, qui a décidé de faire cavalier seul et qui revendique la paternité et la légitimité des comités de soutien à la coordination du président-candidat. Cette personne est Saïd Chohra, qui est également entrepreneur et originaire de Saïda.

L'entrepreneur la trentaine a fait son beurre en Algérie dans la location des jet-ski, des planches à voiles et de tous les gadgets nautiques indispensables à la jeunesse dorée algérienne.

Installé au Canada depuis neuf ans, ce dernier a commencé par exporter en Algérie quelques jet-ski et a vu sa compagnie grandir à une vitesse fulgurante. Dans des publicités publiées dans des journaux communautaires, il vante les mérites du président-candidat : «Il faut quelqu'un d'expérimenté à la barre du pays, quelqu'un qui ait une expérience des affaires internationales, quelqu'un qui comprenne les enjeux internes et œuvre dans la bonne direction pour leur résolution : pour moi, il n'y a qu'une personne à ce poste et c'est Abdelaziz Bouteflika.» Jusqu'à présent, pris dans leurs tourmentes internes, les comités de soutien n'ont organisé aucune activité de sensibilisation.


Source: http://elwatan.com/journal/html/2004/03/15/epoque.htm