Deux Kabyles résidant à Montréal ont entrepris, le 31 décembre dernier, une grève de la faim, pour appuyer six de leurs compatriotes qui croupissent dans des prisons algériennes depuis le 14 octobre dernier.



Ils espèrent ainsi «attirer l'attention des médias» et sensibiliser l'opinion publique aux exactions commises par le gouvernement Algérien à l'égard des prisonniers politiques et du peuple kabyle, comme l'explique Ammar Lakehal.

L'homme, qui en est à son sixième jour sans boire ou manger, rappelle que 122 personnes ont été assassinées depuis le «Printemps noir» de 2001, par les autorités algériennes dans la province berbère située au nord de l'Algérie.

En octobre dernier, le gouvernement algérien a fait arrêter six membres du mouvement citoyen Arouchs qui avaient appelé au boycott des élections municipales. Ces derniers poursuivent une grève de la faim depuis le 3 décembre dernier, sans suivi médical.

«Nous voulons appuyer nos frères qui ont été torturés et placés, il y a quelques jours, dans des cages glacées pour les inciter à négocier», plaide Ammar Lakehal.

Sensibiliser Chrétien

Par leur grève de la faim, les deux Kabyles espèrent sensibiliser le gouvernement canadien au respect des droits de l'homme et de la démocratie en Kabylie. «Le premier ministre Chrétien n'aurait qu'à appeler le président algérien, et je suis certain qu'il pourrait sauver des vies en faisant libérer les prisonniers politiques», fait valoir Ammar Lakehal, qui est aussi président du Comité pancanadien de soutien à la Kabylie.

Lors de ses vacances dans sa terre natale, en mai 2001, Ammar a pu être témoin d'exactions commises par la gendarmerie algérienne: «Des villages ont été pillés, des femmes violées, des expéditions punitives ont été menées dans les villages. Le pouvoir algérien tire sur nos jeunes comme jamais les Français n'ont osé le faire pendant la guerre», dénonce Ammar, qui vit au Canada depuis trois ans et détient le statut de résident permanent.

À cette occasion, l'homme dans la quarantaine a dû calmer des adolescents de 14 ans prêts à prendre les armes pour se venger. «Au lieu d'envoyer mes enfants mourir, je le ferai moi-même pacifiquement avec cette grève de la faim», confie le père d'un adolescent, visiblement très inquiet pour l'avenir de son peuple.

Le mouvement Arouchs réclame entre autres la reconnaissance de la langue et de la culture berbères. «Nous sommes victimes d'un déni identitaire. Pour l'instant, la constitution algérienne stipule que la langue du pays est l'arabe et que la religion est l'islam. Nous sommes laïques et notre langue, le Tamazight, n'est pas reconnue», expose le deuxième gréviste, Karim Bessaïeh, qui est venu étudier au Canada, il y a de cela deux ans.

Selon les deux grévistes, le gouvernement algérien tente, par une attitude répressive, d'embraser la Kabylie. «Mais nous continuons de croire en une action pacifiste. Voilà pourquoi nous avons entamé une grève de la faim, comme le prônait Gandhi. Mais si l'action pacifique ne porte pas, il faut savoir que les jeunes en Kabylie n'ont rien à perdre», avertit Karim, qui craint pour sa vie s'il devait un jour remettre les pieds en Algérie, comme plusieurs de ses compatriotes qui vivent au Canada.

Le Comité de soutien aux grévistes de la faim de Kabylie organisera un sit-in devant le Consulat algérien, samedi prochain. Il y aurait, selon les grévistes de la faim montréalais, quelque 17 000 Kabyles au Canada.


Source: Le Devoir - janvier 2003