Le 7 décembre 2009, le ministre algérien des affaires étrangères, Mourad Medelci, a été soumis à un contrôle assez humiliant en arrivant à Washington. Un prélude de la mesure américaine incluant l’Algérie dans la liste des pays ayant des passagers “à risques”.

Pourtant invité par la secrétaire du département d’état américain, Hilllary Clinton, qui l’attendait le lendemain pour des entretiens diplomatiques, Mourad Medelci était loin de se douter du traquenard qui l’attendait à l’aéroport Dulles de Washington D. C. Des agents zélés de l’administration de l’émigration ont tenté d’appliquer une procédure bête et féroce sur un ministre de souveraineté algérien, en dépit des élémentaires règles et usages diplomatiques. Éclats de voix, protestations et échanges peu courtois dans l’enceinte de l’aéroport entre la délégation algérienne et les agents américains, avant que les officiels américains informent le protocole de l’aéroport du caractère officiel du déplacement de la délégation algérienne.
Cet incident aurait pu être banal du moment que d’autres ministres, notamment cubains ou vénézuéliens ou encore le sénateur Ted Kennedy en personne, avaient eu affaire à la tatillonne administration qui contrôle la sécurité des aéroports. Mais la publication de la liste du 4 janvier 2010 incluant l’Algérie dans le cercle fermé des pays à risques, dont les ressortissants devaient subir des contrôles poussés, nous fait craindre une prise de position politique américaine envers l’Algérie.

Cette mesure n’a pourtant pas provoqué l’ire des autorités algériennes qui se sont montrées fort discrètes pour réagir à ce nouveau diktat sécuritaire de Washington. À l’inverse du Nigeria et de Cuba, qui ont exigé à ce que leur pays soit retiré de cette liste affligeante où notre pays côtoie l’Afghanistan et le Yémen, Alger n’a pas officiellement protesté.

Aux dernières nouvelles, Liberté a appris de sources diplomatiques que l’ambassadeur d’Algérie à Washington, Abdellah Baali, a été instruit par le MAE algérien de déposer une plainte contre l’administration américaine pour “discrimination”. Cette plainte a été déposée au niveau du TSA (transport security administration), organisme américain qui gère la sécurité aérienne et des aéroports américains. Le même organisme qui a été saisi par la Maison-Blanche afin de faire appliquer ces nouvelles mesures draconiennes contre des pays, dont l’Algérie.
En attendant l’examen de la plainte algérienne qui pourrait déboucher au mieux à la révision de cette liste et au retrait de l’Algérie de cette catégorie de pays stigmatisés, les observateurs s’interrogent sur le bien-fondé de la décision américaine.
Car en examinant de plus près les déclarations officielles américaines de ces dernières semaines, Alger était loin, mais très loin, d’envisager un scénario aussi peu honorant à son égard.

En effet, lors des entretiens Clinton-Medelci en question, la secrétaire d’état a salué la large “concordance des points de vue” en matière de lutte antiterroriste entre Alger et Washington. Mieux, Medelci enchaînera par la suite des entretiens avec la crème de la sécurité américaine comme Antony Blinken, conseiller du vice-président pour les Affaires de sécurité nationale, la Maison-Blanche, le général James Jones, conseiller du président Barack Obama pour les Affaires de sécurité nationale, ou Daniel Benjamin, coordonnateur pour le contre-terrorisme au département d’État.
Juste en novembre 2009, le général William E. Ward, commandant de l’Africom, s’épanchait à Alger, devant le président Bouteflika ou le ministre chargé de la défense, Abdelmalek Guenaïzia, sur la qualité et l’engagement de l’Algérie dans la lutte antiterroriste au niveau mondial, maghrébin et sahélien. Avant lui, les nombreuses délégations américaines ne tarissaient pas d’éloges sur l’expertise antiterroriste algérienne. Le MDN croulant même sous les propositions incessantes du Pentagone afin qu’il envoie les officiers de l’ANP bénéficier des stages de formation dans les plus prestigieux camps d’entraînement de l’armée américaine afin d’y échanger les expériences dans la manière de lutter contre Al-Qaïda.

Tout cela est tombé comme un château de cartes le 4 janvier, à l’annonce intempestive du département américain à la Sécurité intérieure du classement de l’Algérie dans la liste “noire” des pays à risques. La question lancinante est : est-ce une méconnaissance totale et l’amalgame de l’administration Obama des pays à potentiels risques ou est-ce une démarche politique voulue qui risque d’achever tout espoir de coopération sécuritaire avec les États-Unis ?

Source: Liberté - Edition du 10 janvier 2010