Il y a parfois d'heureux alliages dans les soirées de chansons. La double affiche féminine et algérienne SOUAD MASSI et LYNDA THALIE - exclusive aux Francos de Montréal cette année - fait partie de ces thématiques fortes. Voici deux voix superbes et différentes qui font les mêmes rêves au-delà de la douleur.

Souad Massi est fatiguée. À l'autre bout du fil, la chanteuse a le souffle court et me supplie gentiment de ne pas trop la faire parler. C'est que depuis la sortie de son deuxième album, Deb ("brisé"), la jeune Algérienne tourne beaucoup. En France et même beaucoup plus loin, en Amérique, et jusqu'en Asie, au Vietnam et au Japon. Pourtant elle insiste qu'elle a hâte à sa halte au Québec: "Quand je viens chez vous, j'ai l'impression de rêver, murmure-t-elle de sa voix douce. L'esprit des gens est carrément différent. Et puis vous n'êtes pas speedés comme en France."

Pas speedé? C'est exactement le nouvel opus magnifique de la dame qui s'écoute parfaitement, allongé sur le patio en regardant glisser les nuages. Le genre de folk racé qui fait plutôt ralentir les aiguilles de l'horloge. Certains ne manqueront pas d'ailleurs de comparer ce deuxième disque au premier de Carla Bruni pour son écriture féminine, son air démodé, son allure acoustique, sa pochette très sixties. À la différence que les titres sont en arabe. Tous sauf Passe le temps, ballade de fille solitaire, et Le Bien et le Mal, ébauchée ici même lors de sa première visite à Montréal à l'occasion de Coup de coeur francophone. "Toute la musique de cette chanson m'est venue d'un coup pendant les répétitions avant le spectacle. L'album alterne ainsi des textes plus récents comme Ya Kelbi, qui s'en prend aux mauvaises langues, et de morceaux qui traînaient dans mes tiroirs comme Deb. J'ai vraiment, vraiment beaucoup de chance d'être si bien entourée, mais disons que j'avais aussi une idée très précise de ce je voulais faire musicalement depuis des temps." En résulte un album plus homogène encore que son excellent Raoui, où la jeune Algérienne a encore composé la totalité du matériel mais où elle signe cette fois tous les arrangements. Malgré les tablas carnatiques de l'intro, l'allant flamenco de Ech Edani et le balan très soukous du joyeux Yawlidi, toute l'oeuvre se tient dans une unité de ton. Une jeune femme fragile et courageuse "un peu fleur bleue et même romantique" de son propre aveu, mais qui, malgré son succès du moment, n'a pas remis les pieds dans cette Algérie qui peuple les rêves et les cauchemars de toutes ses nuits. "Je suis un peu découragée. Ce n'est pas gai et surtout la situation n'évolue pas là-bas. Mais je continue d'espérer qu'il va finir par se passer quelque chose."

Même douceur, même nostalgie, même force digne chez Lynda Thalie, jeune Algérienne d'origine qui a grandi à Montréal, mais qui évoque les drames de l'Afrique du Nord et chante Alger, Alger avec une ferveur absolument irrésistible. Son premier disque, Sablier, sorti ici avant qu'elle ne décroche le rôle fait sur mesure de la rose des sables dans Le Petit Prince de Saint-Exupery, n'a pas eu l'écho qu'il mérite mais, quitte à être encore marginalisée, elle s'affiche comme solidaire de son peuple à la moindre occasion. Et celle offerte par les FrancFolies en est toute une!

Source: http://www.voir.ca/musique/musique.aspx?iIDArticle=27162