Mardi, plusieurs dizaines de personnes ont accompagné jusqu’à sa dernière demeure la dépouille du jeune Amir Benayad, tué par balles la semaine passée à Montréal.

Il était 14 h 20 quand un cri d’une profonde douleur a déchiré le silence qui régnait sur la foule rassemblée au carré musulman du cimetière Magnus Poirier de Laval au milieu des tombes recouvertes de neige qui réfléchissait une lumière blanche éblouissante en cette journée froide et ensoleillée de l’hiver canadien.

"Je t’aime, mon fils!", s’est écriée en arabe et en français la mère d’Amir Benayad, assise sur une petite caisse à outils déposée à même la neige en face de la tombe dans laquelle commençait à glisser le cercueil où reposait son fils.

La mère éplorée n’a pas eu la force de voir la bière terminer sa descente six pieds sous terre. Elle s’est levée, aidée par d'autres personnes présentes, et est allée crier seule en courant entre les tombes pour ne pas "tourmenter l’âme de son fils", selon sa croyance.

À ce moment, les nombreux jeunes de la communauté maghrébine, dont Adam Benayad, le frère cadet de la victime, et des anciens camarades de classe d’Amir Benayad de l’école Sophie-Barrat ont commencé, un à un, à jeter de la terre à main nue ou par pelletée sur le cercueil.

Puis une pelle mécanique a fini le travail de recouvrement de la tombe.


Une foule nombreuse était présente dans le carré musulman du cimetière Magnus Poirier de Laval pour l'enterrement d'Amir Benayad, 17 ans, tué par balles jeudi dernier à Montréal. Photo prise le 18 janvier 2022. / Photo : Radio Canada International / Samir Bendjafer

Plus tôt dans la matinée, un dernier hommage a été rendu à l’adolescent dans le salon funéraire situé à une douzaine de kilomètres du cimetière.

La prière musulmane du mort a été célébrée sur les lieux, dans les limites imposées par les contraintes sanitaires en vigueur à cause de la pandémie de la COVID-19.

Peu après, le cortège funèbre s’est mis en branle en direction du cimetière.

Dans un court prêche, l’imam qui a mené la prière a exhorté les parents à faire plus attention à leurs enfants.

"Je veux souligner une chose : les vicissitudes de la vie ont détourné de nombreux pères et de nombreuses mères de notre communauté de leurs enfants. Et ils ne se réveillent que quand il est déjà trop tard."
Une citation de Mossad Beltagi, imam de la mosquée Al-Ansar de Laval

Les parents d’Amir Benayad ont, en effet, perdu leur fils le 13 janvier dernier, lors de ce qui semble être une chicane entre jeunes à laquelle se sont mêlées des armes à feu.

La police n’a pas encore procédé à l’arrestation de l'auteur ou des auteurs de ce crime, le premier en 2022 sur le territoire desservi par le Service de police de la Ville de Montréal (Service de police de la Ville de MontréalSPVM).

Lors de la dernière année, plusieurs jeunes, dont quatre issus de la communauté maghrébine, ont été tués par armes à feu à Montréal.

En 2021, 19 des 37 personnes tuées à Montréal sont tombées sous des balles, dont deux adolescents, selon ce que rapporte Radio-Canada.

À l’annonce de la mort d’Amir Benayad, la mairesse de Montréal Valérie Plante a présenté ses condoléances à la famille sur Twitter et a assuré que le Service de police de la Ville de MontréalSPVM est en train d’enquêter.

Dimanche dernier, une centaine de personnes se sont rassemblées au lieu où a été tué le jeune homme dans l’arrondissement du Plateau-Mont-Royal à Montréal.

L’événement a été organisé par un collectif de parents qui ont exigé que ces enquêtes aboutissent.

Lors d’une discussion avec des élus municipaux présents lors de ce rassemblement, M’hamed Benayad, le père d’Amir, leur a demandé de faire tout ce qui est en leur pouvoir pour que les enquêtes aboutissent.

Mohamed Mimoun, le coordonnateur du Forum Jeunesse de Saint-Michel à Montréal, explique en entrevue à Radio Canada International (RCI) que l’absence d’arrestation ou d’annonce sur l’état d’avancement des enquêtes peut donner un sentiment d’impunité aux tireurs.

"Quand il n’y aucune arrestation après un meurtre, ceux qui utilisent les armes y voient un encouragement à continuer à suivre la même voie."
Une citation de Mohamed Mimoun, coordonnateur au Forum Jeunesse de Saint-Michel

Il a ajouté que la police n’arrive pas à boucler ses enquêtes parce qu'elle a "perdu contact avec la communauté".

Les jeunes qui ne font pas confiance à la police privilégient la vengeance à la dénonciation, d’après cet intervenant communautaire.Et comme les armes qui circulent de plus en plus dans la métropole viennent des États-Unis, elles sont devenues plus accessibles aux jeunes.

En juin dernier, le Service de police de la Ville de MontréalSPVM avait annoncé que 250 armes illégales ont été saisies sur son territoire au cours des six premiers mois de 2021.

Entre autres annonces, pas moins de 15 armes ont été saisies en novembre dernier à Montréal.

Changement de paradigme

Selon Mohamed Mimoun, il faut opérer un changement de paradigme pour comprendre le phénomène de la violence par armes à feu chez les jeunes.

Selon lui, le phénomène de gangs de rue n’explique pas tout. "Ce sont des jeunes qui ne sont pas mûrs et qui se procurent des armes "pour se protéger", comme ils le disent eux-mêmes, et qui finissent par les utiliser pour régler la moindre chicane", explique-t-il.

Un appel aux jeunes

Lors du rassemblement de dimanche dernier, un autre intervenant du Forum Jeunesse de Saint-Michel a exhorté les jeunes à être pacifiques.

"S’il vous plaît, essayez d’être le plus pacifique [possible]. Les parents sont en pleurs. Il y a des mamans qui vont pleurer toute leur vie. Elles vont être en deuil toute leur vie. Si vous avez besoin d’aide, allez la chercher chez les intervenants dans les écoles. Et surtout, soyez des amis avec vos parents. Faites-leur confiance."
Une citation de Abdellah Azzouz, intervenant au Forum Jeunesse de Saint-Michel

Note : ce reportage est également disponible en arabe

https://ici.radio-canada.ca/rci/fr/nouvelle/1855942/reportage-tristesse-douleur-funerailles-amir-benayad-tue-a-montreal


Publié le 21 janvier 2022 à 11 h 17