«Poumon économique du pays.» «Coffre-fort de l'Algérie.» Dans les médias du pays, les figures de style pullulent pour parler de l'importance capitale de Hassi Messaoud dans l'économie du pays. Du coup, quand on y atterrit, le choc est double.

 

Du haut du ciel, on n'aperçoit que les immenses flammes des raffineries de pétrole et les nuages noirs qui s'en dégagent. Le chemin qui sépare l'aéroport du centre-ville est bordé d'immondices: pneus, papiers, sacs de plastique sont enchevêtrés dans le sable durci.

Même si des centaines d'étrangers vivent à Hassi Messaoud - ils y sont plus nombreux que partout ailleurs en Algérie -, on en voit peu dans le centre-ville, qui se résume à un seul boulevard bordé de petites échoppes.

Les travailleurs étrangers, venus notamment du Canada, de la Grande-Bretagne et des États-Unis, vivent dans des quartiers sécurisés qui ressemblent à de petits Clubs Med climatisés.


Rien à voir avec la chaleur torride qui écrase Hassi Messaoud, ses quartiers résidentiels et ses cinq bidonvilles, où vivent les travailleurs algériens et les centaines de chômeurs qui ne trouvent pas de boulot dans les sociétés pétrolières.

Cette infrastructure défaillante s'explique: le gouvernement algérien veut détruire Hassi Messaoud, une ville qui s'est construite accidentellement depuis la découverte du premier puits de pétrole, en 1956, pour la reconstruire ailleurs.

Comme la ville et son aéroport sont assis sur une nappe de pétrole, les autorités disent vouloir prévenir un accident de l'ampleur de celui survenu à Bhopal en 1984, dans lequel des milliers de personnes ont perdu la vie. Depuis 1994, il n'est plus permis de construire à Hassi Messaoud.

Jusqu'au mois dernier, la firme montréalaise SNC-Lavalin devait entreprendre une étude de faisabilité pour le déménagement de la ville, mais le contrat qui devait lui être accordé s'est volatilisé quand le ministre de l'Énergie et des Mines a été remplacé, à la fin du mois de mai. SNC-Lavalin doit maintenant refaire une soumission.

Au début de la semaine dernière, le gouvernement algérien a annoncé que la nouvelle ville serait prête en 2017. Parmi les habitants, cependant, le projet est loin de soulever l'enthousiasme. Des milliers d'entre eux ont construit illégalement des commerces et des habitations depuis 1994. Maintenant, ils ont peur de tout perdre.

«Ils veulent déménager la ville à 80 km d'ici. Comment fera-t-on pour transporter 100 000 personnes tous les matins vers leur lieu de travail? Ça va prendre une heure et demie!» s'indigne Kamel Guerd, ex-élu municipal. Mais est-ce pire que de vivre sur une bombe à retardement? M. Guerd hausse les épaules. «On le fait depuis des décennies.»

 

Source: CYBERPRESSE.CA