L’obstination de l’Egypte contre l’Algérie, la Syrie et le Qatar s’explique par le fait que ces pays remettent en cause le leadership du Caire et lui dénient le rôle de «parrain» des pays arabes.



L’Algérie est-elle devenue une préoccupation pour l’Egypte? Elle fait toujours l’actualité de la presse égyptienne. L’Algérie empêche toujours les Egyptiens de dormir et même de tourner en rond. Après le sport, la culture en passant par la politique, les Egyptiens n’hésitent pas à inventer de nouveaux scénarii pour vitupérer contre l’Algérie. A nouveau la diplomatie égyptienne engage une campagne médiatique contre l’Algérie.
A quelques mois du sommet arabe, prévue en mars à Tripoli en Libye, l’Egypte impute à l’Algérie un travail de coulisses visant à couper l’herbe sous les pieds de Amr Moussa, secrétaire général (Egyptien, la précision s’impose) de la Ligue arabe. Citant des sources diplomatiques de son pays, la presse égyptienne rapporte que l’Algérie mènerait une campagne diplomatique contre l’immuable secrétaire général de la Ligue. Selon la même source, l’Algérie aurait demandé aux pays arabes d’introduire un nouveau point à l’ordre du jour du prochain sommet de Tripoli.
Il s’agirait d’inscrire, en fait de revenir, sur la question de l’alternance du secrétariat général lors des prochains travaux de la Ligue arabe. Autrement dit, tous les pays membres auront droit à assumer, durant un mandat limité, le poste de secrétaire général. Ce qui n’est pas pour plaire aux Egyptiens qui estiment ce poste comme étant la propriété de l’Egypte.
A noter que l’actuel mandat de Amr Moussa s’achèvera l’année prochaine. Le secrétaire général est désigné par consensus, sans vote, entre les pays membres. La diplomatie égyptienne s’est mise en branle pour préparer le terrain dès maintenant afin d’assurer un nouveau mandat à Amr Moussa qui, en affirmant de ne pas avoir d’ambition présidentielle, laisse la porte ouverte à Gamal Moubarak pour succéder à son père, Hosni Moubarak au pouvoir depuis 1981. L’Égypte accuse l’Algérie de manipuler d’autres pays arabes tels la Syrie et le Qatar, lesquels auraient incité, à leur tour, le Guide libyen, Mouamar El Gueddafi (la Libye assume la présidence tournante de la Ligue) à inscrire ce point à l’ordre du jour de la réunion du 27 mars prochain.
Les médias égyptiens rapportent que des parlementaires algériens étudient la faisabilité de cette proposition pour que le projet soit proposé au prochain sommet de la Ligue.
Certes, l’Algérie a demandé à revoir des mécanismes portant sur le fonctionnement de la Ligue arabe, sans pour autant en faire une fixation. Elle n’est pas revenue sur le sujet alors que seuls les Egyptiens refusent la «politique d’alternance».
Pourtant, nous avons l’exemplarité de l’Union européenne qui reste un modèle à méditer, qui fonctionne à l’exemple d’un Etat fédéral bien structuré. Un tel modèle semble relever de l’impossible pour ce qui est de la Ligue arabe, phagocytée depuis un demi-siècle par l’Egypte.
Une question mérite d’être soulevée dans ce contexte: de quoi a peur l’Egypte? Si les descendants des Pharaons «perdent» le poste de secrétariat général, cela n’empêchera pas la Ligue arabe de continuer de fonctionner et le monde de tourner.
Les observateurs estiment que l’Egypte met le forcing pour garder Amr Moussa à ce poste afin de le bloquer et l’empêcher de revenir sur la scène politique égyptienne. Mais dans le cas contraire, Amr Moussa aura toutes les raisons de se présenter à la présidentielle égyptienne de 2011, au même titre que Mohamed El Baradei.
Ce qui ne sera pas pour arranger les affaires du clan Moubarak. Le retour de la Syrie sur le devant de la scène internationale dérange aussi, quelque part, l’Egypte et ses alliés. Bachar Al Assad a réussi à sortir son pays du «ghetto» qu’on lui a imposé. L’amélioration des relations franco-syriennes est mal perçue du côté du Nil. L’Egypte veut surtout perpétuer son «parrainage» sur le monde arabe. C’est dans ce contexte que s’expliquent les attaques de l’Egypte contre la Syrie et l’Algérie.
Le travail de coulisses dont parlent la presse égyptienne n’existe que dans les couloirs du ministère des Affaires étrangères égyptien.
La nouvelle campagne contre l’Algérie n’est, tout compte fait, que le prolongement d’une défaite toujours pas digérée du côté du Nil. Cela ne fait plus sourire, et l’on se demande avec insistance où veut en venir Le Caire, auquel, de toutes les manières, nous dénions le leadership sur le monde arabe, en tout état de cause sur le Maghreb et singulièrement l’Algérie.
Au début, c’était le foot, après la culture, maintenant c’est la politique. Et demain?

Source: L'Expression - Edition du 7 janvier 2010