En ce 26 janvier 2014, a eu lieu le lancement du troisième album de Rezki Grim au club Balattou de Montréal. Un album dans lequel, l’identité, la patrie, l’exil et les valeurs kabyles sont omniprésentes. Organisé par le centre culturel kabyle, en collaboration avec les Nuits d’Afrique, ce spectacle a été marqué par la présence du drapeau amazigh en arrière plan.

Aussi, plusieurs artistes kabyles ont été invités à chanter quelques chansons. Rezki, en look des artistes des années 30, a assuré la soirée avec brio. Il a également rendu hommage à Slimane Azem, El Hasnaou, Akli Yahyaten, Amour Abdenour, Ali Amrane et Matoub Lounès en reprenant leur chanson. La glace est donc brisée. Le chemin est tout tracé pour assurer des spectacles pour un large public dans d’autres endroits où les familles pourraient y assister.

Entièrement composé et interprété par Rezki, à l’exception de la musique de la deuxième chanson” Hamleghkem” ( Je t’aime) qui est de Mouloud Berhal, cet album "Tid id-a&-yadran (Notre sort)" est vraiment agréable à écouter et à réécouter. Il est teinté d’espoir, de douleur, de questionnements et d’amour sans fin à une patrie de laquelle ont été arrachés les enfants de Kabylie et d’Algérie à cause des circonstances diaboliques orchestrées par un système mafieux et sans vergogne. Le verbe tranchant de ses six chansons est habillé d’une musique éclatée qui conjugue le chaâbi et plusieurs styles modernes notamment le rock tout en gardant un cachet kabyle. L’artiste a d’abord chanté l’amour vrai pour sa bien-aimée. Il a ensuite exprimé son attachement à ses racines, à son milieu naturel et à sa terre ancestrale. À celle-ci, tout en lui avouant fidélité éternelle, il lui raconte les déboires de l’exil. Un exil qui piège l’immigrant entre les tracas du quotidien et l’espoir de retrouver un jour ses repères originels. Ce message renvoie aux chants de Slimane Azem, son idole. Des textes qui décrivaient la vie de l’exilé, mais surtout qui entretenaient la culture du retour au pays des ancêtres. Il a enfin fait le procès de ceux qui ont confisqué les libertés et les richesses aux Kabyles en particulier et aux Algériens en général. Ces derniers n’ont d’autres choix que de partir sous d’autres cieux pour s’affranchir du joug des injustices sous toutes leurs formes.

Rezki Grim est artiste kabyle qui a trois albums à son actif. Pour des raisons multiples, il n’a jamais eu le temps de promouvoir ses produits à Montréal notamment. Il y a aussi son tempérament d’artiste réservé. Il est humble et modeste. Il fait partie de ces artistes qui donnent vie à une oeuvre et laissent le public la découvrir par hasard et l’apprécier. Selon ses réponses aux questions, Rezki ne se sent pas à l’aise de mettre en évidence ses créations ou d’exhiber ses talents. En principe, ce rôle revient au producteur. Son dernier album " Notre sort" est sorti en 2012, mais il n’a fait son lancement qu’en 2014 grâce aux encouragements du centre culturel kabyle et à la politique des Nuits d’Afrique qui donne un espace d’expression aux talents émergents. Ce qui est étonnant en soi. Heureusement, il y a encore des personnes qui détectent les talents et font de leur mieux pour les faire connaitre. Et tant mieux! Donc, plus on écoute son album, plus on est curieux d’écouter les deux premiers. Et on s’étonne davantage que ces albums ne soient pas promus comme il se doit. En effet, dans chaque album, on voyage dans l’univers de cet artiste talentueux qui a été influencé par des grands artistes kabyles comme Slimane Azem ou El Hasnaoui. "Ces artistes, je les écoutais depuis ma tendre enfance. C’est toute la famille qui les écoutait d’ailleurs. Ils m’ont profondément marqué", dira-t-il. Il a chanté la mère qui l’a couvé, le père qu’il a perdu très jeune et la fraternité qui pourrait bâtir une nation si le système changeait de politique.

Son album est un bijou artistique pour ceux qui savent apprécier l’art loin des tintamarres. habillé de mélodies douces et agréables , cette oeuvre a dressé un tableau noir de la douleur intérieure et extérieure qui rongent le pays et le peuple de son créateur. La douleur intérieure perce l’âme du Kabyle, de l’Amazigh, de l’Algérien. Point de rêves, point de liberté effective, point de perspectives. Les gens suffoquent et sombrent dans une dépression collective. Ils se sentent étrangers chez eux. Que faire? L’artiste raconte ce traumatisme qui étouffe la vie. Face à ce mur de Oudjda, les jeunes prennent le large. Ce qui explique le fait que quatre chansons de cet album traitent de l’exil et de ses déboires. "On apprend beaucoup de choses quand on part ailleurs, mais les racines, notre terre demeurent ancrées en nous", souligne-t-il avec beaucoup d’amertume. Ses textes révèlent à quel point il aime sa Kabylie et ses montagnes.

Rezki Grim est en train de préparer son quatrième album pour cette année. Lors de son intervention à l’émission "90 minutes au pluriel " de la radio communautaire CIBL le 12 janvier 2014, il a annoncé les grands thèmes qui vont y figurer. Il y aura notamment le sort de la planète et ce que les humains devraient faire pour la protéger. Espérons que cet album aura un lancement dès sa sortie.

Source: Taghamsa - 31 jan 2014