Les Suisses ne savent plus à quel saint se vouer. Les problèmes leur sont tombés sur la tête d’un seul coup. Comme si la crise financière ne suffisait pas. En grande partie, à cause du leader libyen Mouammar Kadhafi.

Venons-en à quelques faits saillants. Il y a un peu plus d’une année, Hannibal, le turbulent fils du dirigeant de la Jamahiriya, est arrêté en compagnie de sa femme Aline, alors enceinte. Ils sont accusés par leurs domestiques, une Tunisienne et un Marocain, de maltraitance, alors qu’ils se trouvaient dans un hôtel de luxe genevois.
Le régime libyen crie au complot, arguant que la Confédération a fabriqué un dossier contre Hannibal, qui se trouve être officiellement le conseiller de la Compagnie libyenne de transport maritime, ayant le monopole sur le transport des produits énergétiques.

Tripoli déclenche illico presto une série de rétorsions, qui vont jusqu’à l’arrêt des livraisons de pétrole. Les navires battant pavillon suisse sont interdits d’entrée dans les ports du littoral libyen. Dans cette situation, aucun déchargement n’est possible. Quand on sait que la Libye est le premier fournisseur en or noir de la Suisse, on peut imaginer l’émoi qui a gagné les Helvètes. Les Libyens brandissent aussi le retrait de leurs avoirs des banques suisses.

Les firmes suisses (dont des groupes comme Nestlé et ABB) ont payé un lourd tribut : bureaux à Tripoli séquestrés, contrats déjà signés ou à venir gelés et comptes bancaires bloqués. Les rétorsions de nature commerciale ne sont pas la seule décision des autorités libyennes dans le litige né suite à l’arrestation du quatrième fils de Mouammar Kadhafi. Les activités consulaires également prennent un coup. Mais le pire allait encore venir. Deux hommes d’affaires se trouvant en Libye ont été tout simplement kidnappés au vu et au su de Berne. Sans compter un parent du plaignant marocain qui disparaît quelque part en Libye.

Pour les Suisses, l’affaire Kadhafi a pris une autre dimension après le récent voyage éclair du président de la Confédération Hans-Rudolf Merz, qui est allé se fondre dans des excuses auprès du colonel Kadhafi. Il a aussi accepté le principe d’un tribunal arbitral international pour dénouer la crise entre les deux pays. « Nous sommes humiliés », titrent en chœur les médias en Helvétie, tandis que tout le monde attend la libération des deux ressortissants suisses rendue possible grâce aux auspices du très médiatique sociologue Jean Ziegler, un homme qui possède d’excellents contacts dans certaines capitales maghrébines. Certains rappellent que leur pays pourrait couvrir un meurtre, étant donné que le Marocain disparu n’a plus donné signe de vie.

Les Suisses se demandent pourquoi les démons se sont ainsi acharnés sur eux. Depuis des mois, une autre crise couve entre la Confédération et, cette fois, les États-Unis. Tout a commencé après les révélations d’un employé de la banque suisse UBS à propos de milliers de comptes tenus dans cette banque par des citoyens américains. Des soupçons d’évasion fiscale qui vont semer la zizanie entre Washington, aux prises avec une crise économique aigüe, et Berne, jalouse du secret bancaire et qui est déjà sur la sellette à cause des critiques de ses voisins, la France et l’Allemagne. Ces deux pays sont les premiers pourfendeurs des paradis fiscaux sur le Vieux Continent.     

Après d’âpres négociations, la banque UBS a accepté de révéler à Washington 4 450 identités de ses clients américains. Néanmoins, l’image de la Suisse se trouve terriblement écornée à l’extérieur. Déjà qu’elle passe pour le pays ayant la législation la plus répressive en matière d’immigration…
À présent, la Confédération helvétique s’est retrouvée sur une liste noire des paradis fiscaux établie par l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE). Dorénavant, d’autres pays que les USA peuvent exiger de Berne la livraison des comptes de leurs citoyens.

Alléché par les succès de l’administration de Barack Obama, le Canada aurait déjà déposé une première requête en vue d’identifier des fonds cachés dans les banques suisses et appartenant à des citoyens canadiens. Encore une fois, c’est UBS qui est dans le viseur de l’Agence du revenu du Canada. Une prise de contact entre les deux parties devrait avoir lieu dans quelques jours. Au cas où ça irait mal, Ottawa a déjà menacé qu’elle solliciterait la justice. Un autre automne chaud en perspective pour les « pauvres » Helvètes.