MONTRÉAL (RC) - Nouveau rebondissement dans le bras de fer qui oppose le conseil d'administration du Club de soccer de Montréal-Nord (CSMN) à un groupe de parents et de bénévoles qui exige sa destitution.

 

Deux chefs d'accusation de menaces de mort ont été formellement déposés la semaine dernière au palais de justice de Montréal contre Leila Nakhla.

La femme de 57 ans de l'arrondissement Saint-Laurent est accusée d'avoir proféré des menaces de mort à l'encontre de deux opposants au conseil d'administration du CSMN, Chantal Mino et Fayçal Anane.

Mme Nakhla, qui admet connaître des membres du C.A. du CSMN, a plaidé non coupable.

Les circonstances dans lesquelles ces menaces de mort auraient été faites, le 24 février, sont néanmoins troublantes.

Elles auraient été reçues quelques heures à peine après que les opposants, menés par Mme Mino et M. Anane, eurent sommé le directeur général du CSMN, Angelo Bruscia, de convoquer une assemblée générale visant la destitution du conseil d'administration du club.

La décision d'envoyer cet avis de convocation avait été prise lors d'une rencontre de parents, d'entraîneurs et de bénévoles du CSMN, tenue trois jours plus tôt. Les opposants réclament la destitution du conseil d'administration depuis la mi-décembre.

L'opposante au C.A. du CSMN Chantal Mino explique les menaces qu'elle a reçue le 24 février :

« Ma petite Québécoise avec ton petit c**** qui t'accompagne. Moi, je vais te dire c'est quoi la vie et je vais t'écoeurer jusqu'au bout, jusqu'à ce que tu saignes » disait un des messages laissés dans la boîte vocale du téléphone cellulaire de Mme Mino, mère d'un jeune joueur et entraîneuse d'une équipe du club.

Écoutez le message de menaces reçu par Chantal Mino:

M. Anane, qui était directeur technique du club jusqu'au 31 décembre dernier, dit avoir reçu des menaces de mort au même moment.

Des appels motivés par la justice, selon l'accusée

Rencontrée par Radio-Canada.ca à son domicile, Mme Nakhla admet avoir appelé Mme Mino et M. Anane le 24 février. Elle reconnaît d'emblée être au courant de la situation qui prévaut au CSMN, et avoue qu'elle connaît des membres du conseil d'administration. Elle refuse toutefois de les nommer.

Mme Nakhla, qui affirme n'avoir jamais habité à Montréal-Nord, admet que certains propos tenus à l'endroit de Mme Mino peuvent être interprétés comme des menaces; elle dément cependant avoir menacé M. Anane. Elle affirme en outre n'avoir jamais eu l'intention de faire mal à qui que ce soit.

Interrogée sur le fait que ses appels ont été faits après que M. Bruscia eut reçu un avis de convocation d'assemblée générale, elle nie formellement avoir reçu un ordre à ce sujet et soutient qu'elle avait l'intention d'appeler Mme Mino et M. Anane depuis longtemps. Elle dit avoir été victime de son « émotivité incontrôlée ».

Mme Nakhla refuse de dire comment elle a obtenu les numéros de téléphone de Mme Mino et M. Anane, en indiquant qu'elle réussit toujours à obtenir ce qu'elle veut. M. Anane soutient que le numéro de téléphone composé par Mme Nakhla n'est pas public, mais que trois membres du CSMN l'avaient.

Interrogée sur les motifs qui l'ont poussée à faire ces appels, Leila Nakhla argue la soif de justice. Mme Mino, dit-elle, profère des accusations mensongères à l'encontre du C.A. du CSMN.

Chantal Mino explique ses griefs envers le Club de soccer de Montréal-Nord:

Mme Mino admet qu'elle pose des questions sur la gestion de l'argent au sein du club, mais dément avoir accusé quiconque de vol ou de fraude. Elle cherche, dit-elle, à obtenir des réponses aux questions que se posent beaucoup de parents.

Lors d'une rencontre de médiation tenue par la Fédération de soccer du Québec, le 8 février dernier, il a été convenu qu'un expert-comptable vérifiera les livres du CSMN, et qu'une seconde vérification sera faite par l'arrondissement de Montréal-Nord. Cette entente n'a cependant pas calmé les ardeurs des opposants, qui réclament toujours la destitution des membres du C.A.

Le CSMN se défend

Le Club de soccer de Montréal-Nord dément avoir quoi que ce soit à se reprocher dans cette histoire. Dans un courriel envoyé le 28 mai à Radio-Canada.ca, son vice-président, Sylvain Di Fioré, indique qu'« aucune entrevue ne sera donnée, car pour le moment aucune accusation criminelle n'a été déposée contre qui que ce soit du Club de soccer de Montréal-Nord. »

Radio-Canada.ca avait obtenu une réponse semblable en se rendant dans les locaux du CSMN, le 27 mai. Informés du dépôt d'accusations criminelles contre Mme Nakhla, le président du club, Frank Cardillo, et le directeur général, Angelo Bruscia, ont d'abord refusé de commenter. Ils ont soutenu qu'il s'agissait d'une histoire ancienne, et que personne au sein du club n'était impliqué.

Pressé de questions, M. Bruscia a répondu que l'actuel conseil d'administration « a sauvé le club de soccer », qui menaçait de s'effondrer dans la bisbille créée par Mme Mino et M. Anane. Il affirme ne pas avoir de temps à perdre avec cette histoire.

Interrogé sur le fait que les présumées menaces de mort ont été faites après qu'une demande de convocation d'assemblée générale extraordinaire eut été envoyée à M. Bruscia, le président du club, Frank Cardillo, a déclaré : « On va dire que c'est un hasard ».

MM. Cardillo et Bruscia ont accusé Radio-Canada.ca de faire le jeu des opposants et de n'avoir qu'une version de l'histoire. Ils ont cependant refusé de répondre à plusieurs questions et de fournir à Radio-Canada le rapport annuel du club, alléguant que cette information est réservée aux membres. Des demandes pour obtenir les Statuts et règlements du CSMN ainsi que le procès-verbal de l'assemblée du 17 décembre sont demeurées lettre morte.

Les deux hommes soutiennent avoir eux aussi été victimes d'intimidation de la part des opposants. Ils précisent notamment que plusieurs voitures de membres du club ont été égratignées lors d'une rencontre tenue par les opposants, à laquelle ils se sont présentés, le 21 mars.

Les opposants allèguent l'inverse. Un compte-rendu du journal local, Le Guide de Montréal-Nord, soutient que la police a dû intervenir lors de cette assemblée et qu'elle a menacé d'arrêter une membre du conseil d'administration du CSMN si celle-ci n'arrêtait pas de crier pour couvrir la voix de Mme Mino.

Mme Mino soutient qu'elle s'est fait traiter de tous les noms par les membres du C.A. du CSMN qui s'étaient présentés à cette réunion. Cette rencontre a eu lieu dans le stationnement du Centre des loisirs de l'arrondissement de Montréal-Nord, les autorités municipales ayant refusé de leur prêter un local.

L'arrondissement de Montréal-Nord reconnaît néanmoins qu'un litige existe. Pour cette raison, il n'a toujours pas versé la subvention annuelle de 12 000 $ qu'il remet au club. Il continue cependant de lui donner accès aux terrains et aux gymnases afin de ne pas pénaliser les enfants.

Situation désastreuse, mais légitime

La Fédération de soccer du Québec (FSQ), qui gère la structure et l'organisation des clubs de soccer au Québec, continue pour sa part d'appuyer le conseil d'administration du CSMN, malgré le dépôt d'accusations à l'endroit de Mme Nakhla.

La présidente de la FSQ, Brigitte Frot, rappelle que la femme accusée n'est pas membre du C.A. du CSMN.

« Il n'y a certainement pas de hasard. Il peut y avoir des coïncidences », a-t-elle soutenu lorsqu'interrogée sur la coïncidence entre la demande de convocation et les propos de Mme Nakhla.

Mme Frot concède que la situation au sein du CSMN est « complètement désastreuse » et qu'il y a du « mécontentement » au sein des membres du club.

Brigitte Fort commente le dépôt d'accusations de menaces de mort proférées contre des opposants au C.A. du CSMN:

Elle soutient cependant que le C.A. du CSMN demeure légitime parce que l'assemblée générale du 17 décembre a été dûment convoquée selon les Statuts et règlements du club et qu'il y avait quorum.

Source: Radio-Canada.ca