«L’hommage que nous rendons à Guerouabi est associé à la nostalgie d’un pays lointain»

L’Union des artistes algéro-canadiens (UDAAC) rend hommage au maître de la musique chaâbie El Hachemi Guerouabi. Les chanteurs cheb Dino, cheb Fayçal, cheb Menou, cheb Salem, Djamel Lahlou, Inès, Karim, Syncop, Mohamed Saci et Youcef Raïs, accompagnés de 20 musiciens, reprendront les succès du grand maître.

Le spectacle aura lieu à la salle Marie-Gérin-Lajoie, 405, rue Sainte-Catherine, le 7 octobre 2006 à partir de 20h30. A cette occasion nous avons posé quelques questions aux artistes et membres de l’UDAAC qui ont bien accepté de nous répondre.

Le Jeune Indépendant : Comment a été prise cette initiative ? Nylda Aktouf de Montréal : L’idée de rendre un hommage éclatant à El Hachemi Guerouabi est venue du fait que sa disparition a marqué tous ses admirateurs et a laissé un vide immense dans les cœurs.

El Hachemi Guerouabi est bien l’un des derniers maîtres de sa génération dans le domaine de la musique chaâbie. Il occupe dans le souvenir du public une place particulière. Pour la communauté algérienne installée au Canada, le deuil est encore plus grand car la perte du grand chanteur est associée au souvenir, parfois douloureux, d’un passé révolu, à la nostalgie parfois lancinante d’un pays lointain.

L’Union des artistes algériens était la mieux placée pour célébrer cet hommage et faire revivre à travers de jeunes talents algériens d’ici les succès du grand maître. Qui sait ? La relève est peut-être ici aussi. Nous avons voulu ainsi célébrer avec toute la communauté ce chantre de la musique chaâbie qui a fait rêver toute une génération, mais sensibiliser également les jeunes Algéro-Canadiens à ce monument artistique de notre culture.

De plus, quelle période la plus favorable que celle du ramadan ! Comment est vu El Hachemi Guerouabi au Canada ? Djamel Lahlou de Montréal : Les Algériens du Canada, à l’instar de tous les Algériens, connaissent, admirent et respectent le cheikh.

C’est le seul chanteur chaâbi, avec El Hadj El Anka et Dahmane El Harrachi, qui bénéficiait encore d’une grande admiration du public à travers tout territoire national. Voici quelques faits qui traduisent ce constat. En l’an 1999, venu pour la première fois à Montréal, il a fait salle comble au Medley, une salle, pourtant assez grande.

L’organisateur a cru bon d’organiser une autre soirée avec le cheikh le lendemain. La deuxième salle était pleine aussi, pourtant sans aucune publicité. Le bouche-à-oreille avait fait son travail. L’apprenti organisateur qui ne connaissait pas la magie et la vraie valeur de Guerouabi a tout fait pour lui faire signer un contrat d’exclusivité, lui promettant de le produire en Amérique.

Le cheikh a refusé d’entrer dans le jeu des affairistes. En 2001, le cheikh, après avoir renoué avec son ancien ami joueur du NAHD, Farid Mékidech, établi à Montréal comme homme d’affaires, a décidé d’aller cette année-là à Montréal.

Une grande salle a été réservée par son ami et tout a été mis en œuvre pour réussir une soirée tant attendue par les Algériens de Montréal et ses environs. Mais les événements du 11 septembre ont eu lieu. La persistance et la persévérance de la famille Mékidech ont eu raison auprès du cheikh lequel n’a pas décliné leur invitation qu’il n’a d’ailleurs pas regretté.

On l’a accueilli comme un roi, soit comme ami soit comme chanteur de renom. D’ailleurs la soirée qui en a résulté reste dans les annales. Des Canadiens ont fait le voyage pour assister à un récital de première qualité. Une expérience sur scène avec Guerouabi a fait changer un artiste montréalais.

Je me rappelle très bien, comme si cela datait d’hier, de mon entrée sur scène derrière El Hachemi Guerouabi, pour l’accompagner comme cinquième instrumentiste lors d’un récital organisé à Montréal dans la salle de spectacle le Medley.

C’était le vendredi 5 novembre 1999. Même si j’étais sûr de mes capacités, connaissant par cœur le répertoire large de mon cheikh que j’admire, il me restait quand même une marge d’erreur la renommée des chouyoukhs, du chaâbi lesquels très strictes demandent le maximum de leurs musiciens.

J’étais tantôt réceptif et alerte à toute note, tantôt admiratif de la voix et de la beauté du récital. Je m’accrochais à chaque seconde passée derrière El Hadj. Je ne voulais rater aucun détail de cette soirée-cadeau dont je n’ai jamais rêvé avant cet instant.

C’était pour moi un privilège que je devais vivre à mille à l’heure. Je suis sorti de cette expérience un autre homme. J’ai gagné une crédibilité certaine, mais depuis ce moment-là, je fais tout pour ne pas tomber dans l’amateurisme.

La maturité que j’ai acquise avec cette première expérience ainsi que d’autres expériences similaires d’autres chouyoukh qui sont passés à Montréal tels Chaâou, El Kobbi, Sami El Maghribi, Chaouli, Hammidou, m’ont donné une assurance certaine.

Mais au plus profond de mon être, ma première expérience avec Guerouabi reste la plus savoureuse, car c’est en son sein que j’ai senti que j’ai fait le premier pas vers le professionnalisme. Quelle place occupe la musique algérienne et la musique chaâbie en particulier au Canada ? La musique algérienne est de plus en plus en vogue au Canada.

Sa présence dans l’arène artistique canadienne est liée au nombre grandissant que constitue la communauté en cette terre d’Amérique. Parmi les 60 000 Algéro-Canadiens, on dénombre un nombre intéressant de musiciens : chanteurs et instrumentistes confondus, venant de toutes les parties d’Algérie, maîtrisant tous les styles de musique algérienne, à savoir raï, andalou, haouzi, malouf, chaâbi, chaoui, kabyle, sétifien, asri et j’en passe.

Des noms comme Lynda Thalie, Karim Syncop, Nacereddine Aïssaoui (alias cheb Dino), cheb Fayçal, Djamel Lahlou, Cheb Salem, Ines, Karim Boudina, Fewzi Kasbadji, cheikh Menou, cheb Menou, le groupe Berbania, groupe Syphax, Youssef Rais, Mohamed Saci, Fouad Yaâlaoui, Noureddine Benmira, Khalida, Cheba Kheira, Salah Ait Gharbi, des élements de Raina Rai, des éléments d’écoles andalouses d’Algérie, des banjoïstes, percussionnistes, claviéristes, qanounjis, violonistes et guitaristes.

Il n’y a pas une fin de semaine qui passe à Montréal sans que nos chanteurs locaux ne se manifestent. Les occasions ne manquent pas : les mariages, circoncisions, fêtes familiales, célébrations de fêtes nationales et religieuses, promotions diverses, festivals divers tels Jazz, Francofolies, Nuits d’Afrique, Vues d’Afrique, Festival du Monde arabe, et différentes festivités dans les régions, dans les centres culturels, communautaires et les maisons de culture de quartier.

Les chanteurs d’ici ou résidant en Algérie sont toujours sollicités par la scène canadienne. En général, le public, en majorité algérien, maghrébin mais aussi canadien apprécie notre musique (on ne déserte jamais aucune de nos scènes, le public est là du début jusqu’à la fin du show) expliquent Djamel Lahlou et Nacereddine Aïssaoui (Dino), les plus anciens chanteurs algériens à Montréal.

Dino ajoute : «Moi, mon public est composé de plus de 50 % de non-Algériens. A chaque fois que je monte sur scène, une symbiose magique me lie au public varié, un public à l’image de Montréal et du Canada, varié, intéressé et ouvert aux cultures.

Youcef Rais, ancien soliste d’El Mossilia, un chanteur fraîchement arrivé à Montréal, nous dit être sidéré par le nombre de musiciens talentueux. Il continue à en découvrir. Cheb Fayçal est, pour sa part, présent sur toutes les scènes montréalaises.

Lui aussi trouve que Montréal regroupe une variété extraordinaire de musiciens tous styles confondus. Djamel Lahlou, quant à lui, en plus d’être un chanteur chaâbi, joue le personnage du rassembleur, dans le cadre de l’Union des artistes algéro-canadiens, dont il est secrétaire général.

Cette instance que les artistes de tout bord ont créée lui a donné le feu vert pour diriger artistiquement les vingt musiciens qui y sont déjà membres et qui feront les délices de cette soirée ramadanesque en hommage au cheikh Guerouabi.

cheb Menou commence à se faire connaître en Algérie grâce à son nouvel album et vidéo-clip enregistrés, parrainé par le nouveau label Fidèle Algérie Canada. Cheb Menou a confirmé sa participation à la soirée en hommage à Guerouabi à Montréal.

Cheb Salem, lui aussi, a confirmé sa présence, lui qui est à Alger en quête d’enregistrer son deuxième album, après celui de Wallah ya hbibi. Au programme de cette soirée, tous les chanteurs participants interprèteront au moins une chanson de Guerouabi.

Il leur est néanmoins permis d’interpréter des chansons de leurs répertoires respectifs. Question de donner de la variété et un cachet de richesse de styles au cours de ces soirées. Il y aura donc du chaâbi à profusion, du haouzi, de l’andalou, du raï, du kabyle, du chaoui et bien sûr du chaâbi Les chanteurs et chanteuses nationaux invités à Montréal pour animer des soirées pour la communauté algérienne se feront accompagner par des musiciens.

Ils ont tous admiré le bon niveau, le dévouement et la bonté des musiciens locaux du Canada, Chaou, Hamidou, Chaouli sont prêts à jurer de ce fait. Mais aussi Karima (Assa nezha), Malika Domrane, Chebba Zehouania, Naïma Ababssa, Baâziz, El Kobbi et beaucoup d’autres chanteurs algériens qui ont du plaisir à venir à Montréal découvrir des Algériens qui les aiment et des artistes qui sont prêts à les épauler, comme ils l’ont déjà fait pour El Hachemi Guerouabi et pour l’art.

Y a-t-il d’autres projets qui vont être réalisés ? Nylda Aktouf de Montréal : Pour l’instant, nous nous concentrons sur le spectacle du 7 octobre. Cependant, bien des idées sont dans l’air car il est important d’immortaliser ce maître de la musique chaâbi qu’est El Hachemi Guerouabi et ce, à travers diverses manifestations culturelles et artistiques.

Nous vous tiendrons informés!

Source: http://www.jeune-independant.com/display.php?articleId=26306