La Coordination canadienne pour tamazight a décerné un cadeau symbolique à Takfarinas pour tout ce qu'il a fait pour la chanson amazighe moderne. Très ému, Tak a dit qu'il s'agit là de l'un de ses meilleurs cadeaux. Un burnous lui a été aussi offert.

 



Sur scène, il est accueilli avec des youyous et des slogans revendicatifs : “Imazighen !” Avec son mandole à deux manches, Takfarinas entame son concert avec l'une de ses anciennes chansons, Mazal d Imazighen. Très vite, la complicité s'installe entre lui et son public, venu nombreux au centre sportif Marie-Victorin de Montréal.

Ce qui peut procurer des motifs de satisfaction à l'organisateur Mouloud Kacher de NCP (Nomads culture production), lui qui appréhendait ce rendez-vous, d'autant plus qu'un appel au boycott allait être diffusé à Montréal par des membres de la communauté kabyle que l'appel de Tak au vote du 10 mai a plus que choqués. Mais l'explication faite, auparavant, via une vidéo mise en ligne sur Youtube a quelque peu atténué la colère des fans de l'artiste. “Vive l'Algérie et vive tamazight”, s'exclame Takfarinas au début de son spectacle, sous un tonnerre d'applaudissements. Commence alors une série de chansons de son cru. Et l'une d'elles, Way Telha, un titre, qui l'a lancé en 1986, a poussé la nombreuse assistance, des familles pour la plupart, à exécuter des pas de danse endiablés.

Takfarinas alterne entre chansons rythmées et celles dont le contenu est à caractère revendicatif. L'hommage qu'il a rendu à Matoub au lendemain de son assassinat a ému l'assistance. Ce qui a poussé le chanteur à improviser un petit speech au cours duquel il a invité le public à observer une minute de silence à la mémoire de tous les martyrs d'hier et d'aujourd'hui. Il dit tout son engagement pour que tamazight soit reconnue comme langue officielle dans le pays de Mammeri mais aussi dans toute l'Afrique du Nord. Aussitôt, l'emblème national est déployé au milieu de la foule et des youyous stridents fusent par intermittence. Takfarinas reprend en chœur avec le public un chef-d'œuvre de Matoub, chanté depuis plus de 30 ans. Ay Adrar ger idurar rappelle justement le combat mené par des générations de militants pour tamazight. Ensuite viennent les titres-phares de sa carrière : Yuwwa remman, Zaâma zaâma, Aâssas n zher-iw, etc. Et à chaque fois, le public s'enflamme.
On décompresse. On se défoule. Virtuose du chaâbi qu'il est, Tak a repris l'un de ses succès inoubliables, Qqimet yidi. La Coordination canadienne pour tamazight a décerné un cadeau symbolique à Takfarinas pour tout ce qu'il a fait pour la chanson amazighe moderne. Très ému, Tak a dit qu'il s'agit là de l'un de ses meilleurs cadeaux. Un burnous lui a été aussi offert.

“Je veux chanter dans mon pays”

Abordé à la fin de son concert, Takfarinas qui est habitué de la scène montréalaise, puisque il s'est produit plus de cinq fois, s'est dit satisfait de l'accueil chaleureux que le public lui a réservé. L'artiste a une envie folle de se produire en Algérie. Cela fait 12 ans qu'il se démène pour s'offrir la scène algérienne.

En vain. Mais il garde espoir. “On espère se produire en Algérie”, dit-il. Questionné sur sa sortie polémique au sujet du vote, Tak dit assumer son geste. “Je suis citoyen civilisé. J'ai dit que celui qui vote, c'est un devoir ; celui qui ne vote pas, c'est son droit. Moi, je sais qu'on est dans une situation très difficile, c'est pour cela que j'ai lancé cet appel”, tente-il d'expliquer.

Notre interlocuteur ne manque pas de préciser que sa sortie n'a pas été monnayée. “On a dit qu'on m'a donné des chèques, sachez que c'est faux ; on ne m'a rien donné”, soutient encore le chanteur. Concernant les nouveautés, l'artiste ne veut pas se presser.
Et puis, maintenant Internet risque de bousiller la création musicale. “Il faut qu'on trouve des solutions. Avec Internet, la musique est devenue téléchargeable. C'est une catastrophe pour les artistes”, déplore-t-il, avant de déborder sur le statut de l'artiste en Algérie.

Pour lui, le fait que le pays ait adopté les droits voisins depuis dix ans est un pas en avant dans la protection de la création artistique, même si on a mis 40 ans à le faire. Takfarinas a qualifié le parcours de la musique kabyle sur la scène internationale d'honorable. “La musique, quand elle est bien faite, devient la langue du monde”, conclut-il.


Source: Liberté - 14 mai 2012