Devant l'ampleur de la polémique suscitée par la venue de la vedette du raï Cheb Mami dans la métropole, les organisateurs du Festival du monde arabe (FMA) de Montréal pourraient bien annuler cet «événement spécial» prévu pour le 28 novembre.

«Si cette controverse se poursuit, le FMA pourrait réévaluer sa décision quitte à annuler l'événement. Je ne veux pas laisser cette affaire nuire aux orientations du Festival», a fait savoir le directeur artistique et général, Joseph Nakhlé.

À titre personnel, M. Nakhlé se dit favorable à la notion de réhabilitation et de «deuxième chance». Cela dit, «le FMA ne défend pas la cause de Cheb Mami. Nous défendons les droits des femmes à fond», a-t-il insisté.

Mercredi, le Journal de Québec révélait que Cheb Mami était invité par le FMA pour un spectacle montréalais, à la fin de l'année. Or, cet artiste a été condamné par la justice française, en 2009, à cinq ans de prison pour avoir organisé une tentative d'avortement forcé sur son ex-conjointe. Il n'est sorti de prison que le 23 mars dernier.

«S'il vient comme prévu, ça pourrait même être une opportunité pour vous de lui poser des questions fermement et avec insistance sur les droits des femmes. Mais ce n'est pas au FMA de réclamer aux artistes leur casier judiciaire», a signalé M. Nakhlé.

«Déplacé»

En 2010, le FMA était doté d'un budget de 765 164$. Plus du tiers de cette somme provenait de l'argent public. Ainsi, le gouvernement du Québec a accordé 137 000 $ au Festival, la Ville de Montréal l'a subventionné à hauteur de 68 000$, tandis que le palier fédéral lui a offert 60 000$.

Joseph Nakhlé estime qu'il est «un peu déplacé» d'évoquer l'argent public dans le cas spécifique du spectacle de Cheb Mami. «Ce show est conçu pour être autofinancé. Nous pensons être capables de remplir la salle et de couvrir nos frais à partir de la vente de billets. L'argent public sert à nos créations et à nos efforts artistiques», a-t-il fait savoir.

Réaction ministérielle

Mercredi, la ministre de la Culture et de la Condition féminine, Christine Saint-Pierre, a eu une réaction identique à celle adoptée au moment de l'éclatement de l'affaire Bertrand Cantat. «Toute violence faite aux femmes est inacceptable, a-t-elle rappelé. Pour ce qui est du contenu artistique, la ministre de la Culture n'a pas à s'immiscer dans les choix artistiques. C'est au Festival de justifier son choix artistique.»

Mme St-Pierre a par ailleurs rappelé que l'entrée au Canada n'était pas un droit, mais bien un «privilège». Selon elle, «le Canada a un travail à faire là-dedans (permettre ou non l'entrée de Cheb Mami sur le territoire)».