Djaffar Aït Menguellet, fils du grand poète et chanteur d’expression kabyle, Lounis Aït Menguellet, publie son troisième album intitulé Tirga n’laâqal (Les rêves de la sagesse).
Interview au nom du fils !



 

- Vous venez de sortir un nouvel album intitulé Tirga n’laâqal (Les rêves de la sagesse). Il est différent, car tranchant avec les premiers…

Ce qui est différent, ce sont peut-être les sujets qui sont traités. Dans le premier et le deuxième albums, je me suis basé surtout sur les chansons d’amour. Dans ce nouvel album, j’évoque les problèmes du pays, celui de la jeunesse… Il y a moins de chansons d’amour.

 

- Un album «responsable, utile, mature… ». Vous n’êtes pas insensible à ce qui se passe autour de vous…

Je pense que oui. C’est ce que tout le monde vit. Et moi, j’ai la chance de le traduire. Et d’exprimer cela à travers des chansons.

 

- Vous écrivez le texte avant ou l’inverse ?

Moi, je compose la musique seulement. Je n’écris pas de texte. Je ne suis pas poète. Je sollicite mon père – Lounis Aït Menguellet – et Si Moh, qui est un excellent poète. Je leur propose des thèmes. Et puis, la musique et la chanson se construisent.

 

- Et la conception orchestrale ?

Je fais les arrangements. La maquette de ce nouvel album m’a pris environ six mois. C’est une manière de faciliter la réalisation de l’album. En studio, je sais à quel musicien je vais faire appel. Tout est prêt. Si un musicien est lecteur (de solfège), je lui prépare la partition. Sinon, par exemple, un violoniste qui ne lit pas, il écoute sa partie-maquette et la reprend.

 

- De la rigueur…

Oui, j’ai acquis une petite expérience. Par exemple, pour le premier album, il n’y a pas eu de maquette. C’est vrai qu’en travaillant, on découvre qu’on avance.

 

- Votre démarche est fusionnelle. Un compromis entre les instruments traditionnels et électro-acoustiques…

Dans l’album figure une chanson mêlant du folklore et du moderne en même temps. Par exemple du bendir (percussion traditionnelle), de la batterie et une guitare électrique avec une flûte. C’est ma façon de faire contribuer ces instruments dans une bonne intelligence musicale. Et d’essayer de donner quelque chose de cohérent.

 

- Vous voulez vous affranchir et trancher de par votre propre style musical…

Je n’ai aucune idée. Par exemple, à l’étranger, dès qu’on invente un style musical, il est défini et classable. Mais chez nous (en Algérie), cela n’existe pas malheureusement. C’est un mélange. Il y a du moderne, du folklore, du classique…Un peu de tout ! Mais conçu avec mon empreinte et ma façon. Un travail personnel et personnalisé.

 

- On constate une expression fraîche et créative dans la chanson d’expression kabyle…


Oui, je pense. Il existe des chanteurs valables mais, malheureusement, la plupart d’entre eux ne sont pas connus. Je vous assure qu’il y a des chanteurs très doués. Et si on leur donnait leur chance, franchement, ils feront de très belles choses. Je pense que la chanson kabyle a un bel avenir devant elle.


- Avec les Ali Amrane, Akli D, Zayen, Belaïd Branis…

Oui, absolument ! Avec Ali Amrane, Zimu, Si Moh, Cheikh Sidi Bémol, Akli D, Alilou, Belaïd Branis… Franchement, je suis optimiste.

 

- Justement, vous avez été mis à contribution sur le deuxième album de Belaïd Branis, notamment sur le titre Tchin Tchin…

Oui, Belaïd m’a invité sur une de ses chansons Tchin Tchin pour chanter un couplet. C’est un ami et j’ai accepté avec plaisir. Je trouve que Tchin Tchin est une très belle chanson. Et son album est très bon en général.

 

- On sent cet esprit de tolérance musicale régnant entre vous, bien que chacun ait son propre style…

C’est ce qui manque chez nous, malheureusement. C’est la complicité entre artistes. Enfin, je pense que cela commence à évoluer. Et c’est une bonne chose que de réunir plusieurs chanteurs autour d’un titre.

 

- Est-ce facile, difficile ou encore lourd  d’être le «fils de son père» (le grand chanteur et poète d’expression kabyle, Lounis Aït Menguellet) ?


C’est facile et difficile à la fois. C’est facile parce que c’est avantageux. Et c’est difficile parce que les gens attendent de moi quelque chose d’extraordinaire. Tout dépend de mes compétences.
Au départ, je n’ai jamais pris ce chemin (la chanson) au sérieux. J’ai toujours joué et chanté pour le plaisir. Et ce n’est que ces derniers temps que j’ai décidé d’essayer de professionnaliser cela. Pour l’anecdote, j’avais 12 ans et je jouais du synthé à la maison. Et comme on avait une série de flûtes irlandaises, j’en ai pris une. Et mon père (Lounis Aït Menguellet), m’a écouté jouer. Et pour m’encourager, il m’a dit : «Si tu apprends à bien jouer de la flûte, je t’achèterai un piano». Il ne l’a pas fait. Mais il m’a acheté autre chose de mieux que le piano (rires). C’était un synthé avec ordinateur. C’était nouveau à l’époque. Et la première fois que je suis monté sur scène avec mon père, c’était à l’âge de 14 ans. C’était à Aïn El Hammam. Depuis 1988, on joue ensemble.


Source: El Watan