«Ses amis l’ont marginalisé au moment où Djilali s’effondrait à petit feu dans la misère.»



«Je ne peux décrire la souffrance qu’a vécue Djilali ces derniers jours tandis qu’aucun de ses amis n’est venu lui rendre visite à l’hôpital», a déploré Fayçal Rezkallah, fils du défunt, qui a appelé à mettre fin à la commercialisation de sa mémoire. «Ne marchandez pas la mémoire de mon père», a-t-il tancé.

 

La capitale de la Mekerra est endeuillée tandis que son ciel a été, hier encore, couvert par un grand brouillard. Telle une traînée de poudre, le décès de Djilali Raïna-Raï, de son vrai nom Djilali Rezkallah, a fait le tour de l’Oranie. Le ténor du verbe bédouin modernisé s’est éteint à l’âge de 48 ans laissant derrière lui quatre enfants, l’aîné est âgé d’à peine 20 ans et autant de questions sans réponses.

Pourquoi Djilali est mort dans le dénuement et l’indigence totale. Les avis sont multiples et variés. Sa famille et ses amis, les plus proches, à leur tête, Abbès Sedjrari, ont été unanimes à dire que «la vie de l’artiste a toujours été triste».
Ses enfants, à leur tête Fayçal, déclarent tout de go que «ses amis l’ont marginalisé après que Djilali ait donné les plus beaux jours de sa vie à l’art, Raïna-Raï et la ville du Petit-Paris». Hier matin, les habitants du quartier de Sorrecor, au centre-ville de Sidi Bel Abbès, effectuaient, les derniers préparatifs avant de passer au cimetière. Et les questions qui revenaient, comme un leitmotiv, dans toutes les bouches, étaient axées sur le sort dans lequel s’est retrouvé la troupe Raïna-Raï et les raisons qui ont poussé le défunt à claquer la porte de cette dernière.

Le guitariste Lotfi Attar n’entend pas de la même oreille ce qui se colportait à travers toute la ville. «Nous avons assisté Djilali en organisant à son bénéfice des galas de solidarité», a-t-il affirmé, ajoutant que «je l’ai aidé, en l’imposant, aux dépens de Kada et du reste des membres, dans la troupe Raïna-Raï». «Malheureusement, il a quitté de son propre gré le groupe en 1999 et depuis, Djilali s’est mis à chanter dans la wilaya de Aïn Témouchent, chose qui sort des principes, du style et du verbe prônés par la troupe Raïna-Raï.»

Selon Lotfi Attar: «Le défunt a amené sa propre touche dans la troupe en chantant le verbe bédouin à la voix rurale tandis que sa gestuelle et ses danses sur la scène ont bousculé la musique raï des chanteurs figés, hormis les hochements de leurs épaules.»

Le défunt a rejoint la troupe Raïna-Raï en 1985. Djilali, qui a été rebelle, s’imposé en fredonnant avec brio, Ya rayi ya et Lala Fatima. «Il a été rebelle au système et non pas à la troupe grâce à laquelle Djilali a existé», a affirmé Lotfi Attar. Et ce dernier d’annoncer le dernier ouvrage de Djilali.

«Je garde un enregistrement inédit appartenant au défunt», a-t-il affirmé. Selon M.Hanitet Mokhtar, secrétaire général des artistes de la wilaya de Sidi Bel Abbès, «l’engagement de Djilali dans la musique, remonte aux années 1977-1978 dans le groupe Choc composé des musiciens Bachi Bouzid, Gerouache Zouaoui et Meghraoui Aziz tandis que la chanson appelée Zina appartient à Kadri Diziri, fils de Armanda Fernandez et Moulay Hassen Diziri. La chanson a été reprise en 1982 par Kada, les Aigles noirs et puis par Raïna Raï en 1983. La troupe Amarna qui est venu après Raïna Raï, a été chanceuse en enregistrant sa première oeuvre intitulée Khalouni Nabki ala Rayi qui veut dire «laissez moi pleurer sur mon sort».
Ces oeuvres ont propulsé Djilali sur la scène nationale et internationale.

«Le décès de Djillali Rezkallah est une grande perte tandis que les gens commencent à commercialiser sa mémoire», a déclaré Mme Hlima Hankour, directrice de la culture de la wilaya de Sidi Bel Abbès.

Source: L'Expression