Profitant de sa présence à la soirée organisée, dimanche dernier, par le quotidien Algérie News à la librairie Socrate New à Alger, le sociologue Ali El-Kenz a donné un avis “tranchant” sur la langue berbère.
“Je suis pour l’enseignement du berbère dans tout le pays et non dans une seule région puisque cette langue appartient à toute l’Algérie”, a-t-il lancé devant les nombreux présents. et d’ajouter : “… et je suis pour l’écriture du berbère avec des caractères arabes”. Il expliquera sa position sur cette question par l’importance d’avoir l’adhésion d’une majorité d’Algériens en optant pour cette transcription.
Ainsi Ali El-Kenz s’introduit dans le débat fort ancien sur l’écriture de la langue berbère. Hasard ou pas, son “entrée” coïncide avec celle d’un autre sociologue algérien, également installé en France, Addi Lahouari en l’occurrence. Ce dernier, dans ses dernières contributions dans la presse, a également donné le même avis sur la transcription de la langue tamazight avec l’alphabet arabe.
à ce duo, il faut ajouter Mohand Arezki Ferrad qui, bien avant eux, était allé dans le même sens. Cependant, il faut s’attendre à ce que le débat prenne encore plus de proportions. C’est qu’en face de ce “clan” cité précédemment, il y a deux principaux autres mouvements. Il y a ceux qui prônent l’écriture de la langue berbère avec l’alphabet latin, et ceux qui défendent l’utilisation uniquement de l’alphabet tifinagh.
En revenant à l’intervention de Ali El-Kenz, elle fut des plus instructives pour un public venu en force pour l’occasion.
C’est à la fin de la soirée que le sociologue avait abordé le sujet de la langue qu’il avait entamé par une précision de taille : “Je ne suis pas sensible à la question identitaire.” Il a raconté une anecdote vécue en Égypte. “Je suis allé à al-Azhar et j’ai échoué au certificat primaire et la télévision égyptienne, à l’époque déjà, n’avait pas raté l’occasion d’en parler puisque j’étais déjà enseignant à l’université ici.” Une relation avec la langue arabe qui l’avait incité à faire de longues recherches en s’appuyant, comme il l’a souvent répété ce dimanche, sur les travaux de Noam Chomsky.
En citant la transcription du Coran à l’époque du calife Othman, avec l’utilisation de la langue de La Mecque, Ali El-Kenz précisa que “l’arabe pur n’est qu’une forme de l’arabe” en ajoutant que “l’Algérien est aussi une langue”.
Cependant, la question linguistique n’a pas été le seul thème abordé par le sociologue. Il s’est ainsi attardé sur le mot “laïc” qu’il réprouve à sa manière. Ali El-Kenz indiquera qu’il lui préfère “séculier” en précisant même qu’“on peut l’être tout en étant croyant”.
Pour le professeur de sociologie à l'université de Nantes, depuis 1995, “laïc, ça a une connotation française (…) il est aussi surchargé et plein de confusion”. Il rappellera que “les laïcs français ont été les plus grands colonialistes”.
Par contre, il dira que la vitalité de l’islam “n’est pas un problème” en demandant à ceux qui l’affirment de cesser de voir la situation “avec le regard des Occidentaux”. L’auteur de Les maîtres penseurs compare la vitalité de l’islam à de la fièvre “qui est une indication et un informateur”, tout en ajoutant, avec le sourire : “… et il se trouve que notre pays est plus enfiévré que d’autres”.
Le “salut” ne pourrait advenir, selon Ali El-Kenz, que par un équilibre entre les deux modèles, séculier et religieux, et il préconisa le modèle rochdien en référence au philosophe musulman Ibn Rochd (1126-1198). Tout un programme.