Photo : La Tribune (Y.B) La baraka de Khaled a vraiment été utile pour faire lever cette 21ème édition des Francofolies de Montréal qui peinait à trouver sa vitesse de croisière alors que nous étions déjà à la troisième journée de cette manifestation! En effet, la météo très capricieuse et même parfois menaçante et ravageuse laissait planer le doute jusqu’à la dernière minute sur ce concert public gratuit  que les montréalais attendaient impatiemment.  Il faut dire que Khaled, malgré ses passages en salle réussis par le passé, n’était pas aussi populaire que Rachid Taha ne l’était auprès du public québécois qui s’affole devant l’interprète de Ya Rayah

 

C’est chose faite maintenant après sa prestation de dimanche dernier où il a donné un concert époustouflant, magique même. Le King remet ainsi les pendules à l’heure. Sa popularité sort renforcée et il a gagné le cœur de ceux qui ne soupçonnaient aucunement qu’ils avaient sur scène celui qui a sorti le raï des bas-fonds et qui lui a donné ses lettres de noblesse dès le début des années 80 avec l’album Kutché, pour ensuite aller conquérir le reste du monde avec le fameux Didi. La suite de la légende, tout le monde, ou presque, la connaît maintenant. Il y a eu Aïcha,  ce tube planétaire chanté par ce professionnel, devenu «bon père de famille» qui est allé s’installer au Luxembourg pour être plus près de sa petite famille, qu’il dit avoir quelque peu négligée par le passé, sa carrière l’en ayant détourné. C’est, entre autres, ce qu’il faut retenir de ses propos tenus le matin même en conférence de presse au cours de laquelle il a rappelé ses positions sur de nombreuses questions.

Messager de la paix et pour un Maghreb uni
Ainsi, dans sa conférence de presse, Khaled a tenu à s’exprimer «librement», en référence à son dernier album Liberté, considéré par les connaisseurs comme une création sublime. Il dit que ce n’est que la résultante de ce qui l’a marqué dans sa jeunesse, influencée par la musique Gnawa. C’est en quelque sorte un retour aux sources et un hommage surtout au groupe mythique Nass el Ghiwan qui l’a marqué dans sa tendre jeunesse. S’interdisant de faire de la politique, il s’insurge sur le déni de justice que subit le peuple palestinien en tant qu’artiste engagé armé de seulement de son arme : la chanson. C’est pour cela d’ailleurs qu’il affirme bien dormir, puisqu’il ne fait pas de politique, contrairement aux politiciens qu’il plaint, parce qu’ils ont tant et tant à faire ! Il est même prêt à faire plus, lui qui est écouté par le président Bouteflika et aurait l’oreille du roi Mohammed VI du Maroc, qui s’impatiente de trouver les solutions aux problèmes de la jeunesse avide de mieux vivre. Il ne manque pas de s’interroger sur le devenir de la région et exprime son désir de voir le Maghreb se constituer et déclare qu’il œuvrerait pour réaliser ce rêve.

Une soirée du tonnerre
Alors que se déroulait cette conférence de presse, les organisateurs avaient leurs yeux rivés sur la météo, très peu engageante. Et pour cause, le mois de juillet, qui a été le mois le plus pluvieux des dernières 60 années, et la pluie incessante de la matinée, n’étaient pas de nature à les réjouir. Ce n’est qu’en début de soirée et peu avant le concert que le ciel connaît ses premiers éclaircissements et augurait ainsi une soirée sans précipitations dans cette nouvelle réalisation au cœur de Montréal, la place des Festivals.Inaugurée par Stevie Wonder, trois semaines plus tôt, lors du gala d’ouverture du Festival international de jazz, voilà que la place des Festivals a fait le plein avec un Khaled virevoltant et heureux d’y trouver un public connaisseur et communicatif. Même Alain Simard, le discret président de l’organisation à laquelle nous devons les événements qui animent la métropole tout au long de l’année (Festival international de jazz, Montréal en lumière…), aperçu en début  de soirée sur les gradins,  cachait mal sa satisfaction de voir le ciel se dégager, la foule affluer et constater que la soirée allait vraiment lever en ce troisième jour de cette manifestation.

Cuivres, oud et derbouka ... et arme de distraction massive !
On a tout dit, ou presque, sur le dernier album de Khaled. Qu’il était sublime et qu’il est le fruit d’un travail recherché. Mais ceux qui connaissent l’artiste depuis la fameuse Trig elycée savent que le Khaled nature et pur raï qu’il fut ne se renouvellera plus. Et pour cause, son professionnalisme de rigueur d’aujourd’hui l’en empêche tout simplement. Ses racines, qu’il dit puiser dans son inspiration de Nass El Ghiwan, entre autres, on ne les retrouve que sporadiquement dans certains titres et le public l’a démontré puisqu’il applaudit les plus vieux morceaux tels Yamina, Bakhta, Wahran, Didi, Trig elycée et, bien sûr, Aïcha, reprise en cœur par les 50 et même 60 000 spectateurs, heureux d’assister, gratuitement, à un concert de l’incontesté roi du raï/reggae et «buvaient le flot de ses mots, aussi verts que ceux de Bukowski et Miller réunis», pour reprendre les termes utilisés par R. Mezouade dans la biographie qu’il lui a consacrée. La qualité du son et les sonorités particulières des cuivres, du oud et de la derbouka, alliées à la voix tantôt charmeuse, tantôt rude de l’enfant terrible d’El Bahia ont contribué à faire de cette soirée «une folie du jour» comme le prédisaient les organisateurs qui tablent sur sept soirs de pure folie ! En tout cas, et si certains Québécois de souche, qui étaient moins nombreux que les Maghrébins présents à cette soirée, ignoraient comment se présentait l’emblème national algérien, ce fut l’occasion pour eux de combler cette lacune, car les drapeaux étaient largement déployés en cette soirée d’août qui, sans exagération aucune, a vu se produire une véritable arme de distraction massive qui donne rendez-vous au public à Las Vegas en novembre 2009 pour un concert unique que MGM Mirage organise au profit d’associations caritatives ayant en charge  l’enfance !