Son arrestation continue de faire des vagues, cinq ans plus tard. La Thaïlande a récemment demandé au Canada l’extradition du « voleur aux chocolats », un criminel qui avait utilisé un puissant tranquillisant pour détrousser des victimes à travers le monde, avant d’être arrêté par un petit groupe de détectives de la police de Montréal en 2018. 

L’affaire avait fait grand bruit à l’époque. En 2017, plusieurs personnes âgées qui tentaient de vendre leur maison au Québec et en Ontario, surtout des femmes, avaient vu surgir à leur porte un acheteur potentiel particulièrement charmant. Après avoir discuté du prix de vente, il se disait prêt à conclure la transaction et sortait une bouteille de vin ainsi qu’une boîte de chocolats.

« Il avait une bouteille de vin blanc. J’ai dit : “Oh, mon Dieu, arrêtez-moi ça ! Je ne prends pas de vin pendant le jour !” Alors il a ouvert sa boîte de chocolats en disant : “Il faut qu’on fête, il faut célébrer” », avait raconté Berthe Cadorette, l’une des victimes, en entrevue avec La Presse.

« Il a pris le chocolat, il m’a mis la main sur le cou, et il m’a mis le chocolat dans la bouche », s’était remémorée la dame. 

Hamid Chekakri, dit le « voleur aux chocolats »
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Hamid Chekakri, dit le « voleur aux chocolats »

 

La friandise était en fait injectée avec du clonazépam, un puissant tranquillisant. Mme Cadorette était tombée endormie. À son réveil, elle s’était fait voler ses bijoux, son argent, son téléphone et une collection de monnaies antiques. 

« Il était déterminé. C’était un professionnel », avait-elle constaté.

Globe-trotter hyperactif

Le manège s’était répété plusieurs fois, l’homme laissant de nombreuses victimes dans son sillage. Le Service de police de la Ville de Montréal (SPVM) avait mis sur pied une cellule d’enquête spéciale pour traquer le voleur aux chocolats, qu’ils ont pu identifier comme étant Hamid Chekakri, citoyen algérien entré au Canada avec un visa de touriste. L’homme avait quitté le pays avant de se faire épingler, passant par l’Algérie, le Maroc, Dubaï, l’île Maurice et le Costa Rica. Lorsqu’il avait tenté un nouveau déplacement vers Atlanta, aux États-Unis, les policiers montréalais avaient enfin pu profiter de l’occasion pour demander son arrestation.

Renvoyé à Montréal, Chekakri a plaidé coupable et écopé d’une sentence de huit ans de pénitencier. Un reportage de La Presse avait révélé qu’il avait utilisé le clonazépam pour détrousser d’autres victimes à l’île Maurice, en Indonésie, en Chine et à Hong Kong. Devant la Commission nationale des libérations conditionnelles, il a ajouté avoir été aussi arrêté en Espagne, mais affirme que les accusations dans ce pays ont été retirées. M. Chekakri, qui reconnaissait avoir un problème de jeu compulsif, disait avoir été initié à l’usage des tranquillisants par certaines fréquentations criminelles.

Comme le veut la procédure, Chekakri a été libéré d’office aux deux tiers de sa peine, le mois dernier, mais les autorités l’ont envoyé dans un centre de détention de l’immigration en attendant de pouvoir l’expulser vers son Algérie natale.

Mais c’est peut-être vers un autre pays qu’il prendra bientôt l’avion : un procureur public thaïlandais a officiellement demandé au Canada son extradition. Dans sa requête, obtenue par La Presse, il explique que Chekakri avait arnaqué une dame à Bangkok en se faisant passer pour un marchand de diamants originaire de Monaco.

Risque de fuite

L’arnaqueur disait avoir peint plusieurs diamants pour les camoufler, de peur de se faire voler. Il avait fait une démonstration en redonnant son éclat à une seule pierre précieuse avec un produit nettoyant spécial, mais disait avoir besoin d’argent pour nettoyer le reste de sa réserve. La femme lui avait confié environ 40 000 $ US pour acheter du nettoyant, dans l’espoir d’être payée en diamants. Chekakri l’avait laissée en plan et s’était enfui avec l’argent. Rattrapé par la police thaïlandaise, il avait écopé d’une peine de prison de deux ans, confirmée par la Cour d’appel, mais s’était enfui du pays avant le jugement final. 

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Hamid Chekakri, lors de son arrestation en Thaïlande

 

Les autorités thaïlandaises veulent maintenant qu’il revienne purger sa peine. Leur demande sera entendue sous peu au palais de justice de Montréal. D’ici là, un enquêteur de la Gendarmerie royale du Canada (GRC) a demandé que Chekakri demeure détenu.

« Pour éviter les accusations, il a fui vers plusieurs juridictions », souligne le policier dans une déclaration déposée en cour, en référence à la dernière cavale du criminel.

« Il doit être considéré comme un risque de fuite », a expliqué le policier.

L’histoire jusqu’ici 

En 2018, la police de Montréal a arrêté Hamid Chekakri pour avoir détroussé des personnes âgées au moyen de chocolats injectés de tranquillisants.

La Presse avait pu confirmer qu’il avait sévi tout autour du globe avec la même technique.

Hamid Chekakri vient de sortir du pénitencier, mais la Thaïlande demande son extradition en lien avec un dossier de fraude en Asie.

https://www.lapresse.ca/actualites/2023-08-26/detenu-a-montreal/la-thailande-demande-l-extradition-du-voleur-aux-chocolats.php

Vincent Larouche Équipe d’enquête, La Presse

Avec la collaboration de Louis-Samuel Perron, La Presse