La famille, les proches et l'employeur de Raouf Farrah, un chercheur diplômé des universités de Montréal et d'Ottawa, peinent à comprendre les raisons pour lesquelles il est détenu depuis maintenant 100 jours en Algérie.
Mourad Haoues, un ami de longue date de la famille de Raouf Farrah, nous accueille dans sa résidence à Montréal. Il revient tout juste d’un long séjour en Algérie, où il a passé quelques moments avec les membres de la famille immédiate de Raouf Farrah.
Ces derniers sont habités par un sentiment d’injustice et sont rongés par l’inquiétude, dit-il. "Raouf, c’est un garçon modèle, et sa place n’est pas en prison", nous explique Mourad Haoues.
En février dernier, Raouf Farrah, sa conjointe et leur fille de 4 ans étaient en vacances en Algérie. Quelques jours après leur arrivée, Raouf et son père, Sebti Farrah, ont été arrêtés puis transférés à la prison de Boussouf, à Constantine. Le père a par la suite été remis en liberté provisoire, mais Raouf Farrah demeure toujours détenu.
Cet homme de 36 ans est accusé de réception de fonds dans le but de commettre des actes répréhensibles et de publication d'informations ou de documents classifiés sur un réseau électronique.
Mourad Haoues se dit choqué. "Je considère que c’est une arrestation injuste, précipitée, qui répond à quoi?" questionne-t-il. "Entre-temps, il y a beaucoup de gens qui souffrent."
Un expert reconnu
"J'ai été profondément choqué par son arrestation et nous le sommes tous au Département de science politique. Les professeurs et beaucoup d'étudiants l'ont connu", explique Frédéric Mérand, directeur du Département de science politique de l'Université de Montréal.
Frédéric Mérand est directeur du Département de science politique de l'Université de Montréal.
PHOTO : RADIO-CANADA / STEVE ROMPRE
Raouf Farrah a contribué à la rédaction de nombreux articles et chapitres de livres. "Dans l’espace francophone, Raouf Farrah est un des meilleurs chercheurs sur les questions d’analyse du risque politique et de crime organisé", ajoute M. Mérand.
Raouf Farrah et sa famille ont quitté le Canada en 2020 afin de s'installer à Tunis pour le travail.
PHOTO : PHOTO FOURNIE PAR LA FAMILLE DE RAOUF FARRAH
Installé en Tunisie depuis 2020, Raouf Farrah travaille comme analyste principal pour l’Initiative mondiale contre la criminalité transnationale organisée, une ONG dont le siège social est à Genève. Ses dernières recherches portaient sur le trafic d'êtres humains en Libye et dans le sud de l’Algérie.
"Mon opinion personnelle est que son arrestation n’était pas nécessairement liée à ce qu’il a publié. Je crois vraiment qu’il était juste au mauvais endroit au mauvais moment", soutient Mark Micallef, directeur de l’Observatoire de l’Afrique du Nord et du Sahel pour cette ONG.
Un scénario qui se répète
Le cas de Raouf Farrah n’est pas sans rappeler celui du Canado-Algérien Lazhar Zouaïmia, qui avait passé 40 jours dans la même prison l’an dernier. Lazhar Zouaïmia a toujours réfuté les accusations de terrorisme à son endroit. Il soutient qu’il avait été emprisonné pour avoir participé à des manifestations à Montréal et pour avoir publiquement exprimé des opinions politiques qui déplaisent au gouvernement algérien.
Lazhar Zouaïmia explique qu’il vivait avec 11 autres détenus dans une même cellule lors de son passage à la prison de Boussouf. Les conditions de vie y étaient très difficiles. "En général, quelqu'un qui entre à la prison, il en sort malade ou garde des séquelles", souligne-t-il.
"J'ai cru qu’après mon cas, ça allait s’arrêter", dit-il au sujet de l’arrestation de Raouf Farrah. "Le pouvoir [en Algérie] n'aime pas les intellectuels, il aime les intellectuels à son service, mais les intellectuels indépendants, il ne les aime pas", ajoute-t-il.
Le mois dernier, Amnistie internationale s'est dite extrêmement préoccupée par les détentions arbitraires de centaines de membres de la société civile, de défenseurs des droits de la personne et de journalistes en Algérie. Selon cet organisme, au cours des deux dernières années, au moins 12 journalistes y ont été poursuivis, arrêtés ou détenus.
https://ici.radio-canada.ca/nouvelle/1983066/raouf-farrah-detention-prison-algerien
