DISPARITION - Âgée de 87 ans, elle avait consacré toute sa vie à faire reconnaître l'implication de l'État français dans la mort de son mari, en 1957, sous la torture dans le cadre du système institué alors en Algérie. Un pas qu'avait finalement franchi Emmanuel Macron en septembre dernier.

Moins de cinq mois après le geste historique d'Emmanuel Macron vis-à-vis de son mari défunt, Josette Audin est décédée samedi. L'Humanité a annoncé son décès, dimanche. Cette femme de 87 ans, mère de trois enfants, aura ainsi consacré les soixante dernières années de sa vie à lutter pour faire reconnaître la responsabilité des autorités françaises dans la mort de son mari, Maurice Audin, militant communiste disparu en Algérie après son arrestation par l'armée française en 1957.

Josette Audin avait alors 25 ans et vivait à Alger avec son mari. Tous deux sont mathématiciens et militants communistes. Ils ont hébergé des militants clandestins, en pleine «bataille d'Alger» et alors que le général Massu dispose des pleins pouvoirs civils et militaires sur la ville. Un jour de juin, la vie du couple bascule lorsque des parachutistes viennent arrêter Maurice à son domicile.

Josette Audin reste sans nouvelles de lui pendant dix jours. On lui annonce finalement que son mari s'est évadé «en sautant de la jeep qui le conduisait de nuit à un interrogatoire». Josette Audin comprend rapidement qu'il n'y a plus d'espoir à avoir: son mari est mort, bien qu'elle ne croie pas à la version officielle. Elle dépose une première plainte pour homicide volontaire le 4 juillet 1957, qui marque le début d'un long combat, achevé en septembre 2018.

Un combat de 61 années

La disparition de Maurice Audin est l'une des plus mystérieuses de la guerre d'Algérie. L'affaire avait à l'époque suscité une importante mobilisation de la gauche de la gauche, notamment de sa famille, du Parti communiste et du comité Audin, animé par l'historien Pierre Vidal-Naquet. Les circonstances exactes de son décès restent imprécises. On apprendra, au fil des témoignages, que Maurice Audin a été incarcéré le 12 juin au centre algérois El-Biar avec Henri Alleg, l'auteur de La Question, sur la torture en Algérie. L'année suivante, dans le livre L'Affaire Audin, Pierre Vidal-Naquet conclut que le militant communiste est mort sous la torture. Le général Paul Aussaresses, dont l'historien pointe la responsabilité, confiera sur son lit de mort à un journaliste: «On a tué Audin».

Au fil des décennies, Josette Audin n'a cessé d'écrire aux présidents de la République pour leur demander de reconnaître la responsabilité de l'État français dans la mort de son mari. Derrière cette histoire personnelle, elle entendait demander la réhabilitation de la mémoire de toutes les personnes mortes en Algérie sous la torture. «Comme le président de la République Jacques Chirac l'a fait pour condamner la rafle du Vél' d'Hiv, j'espère que vous ferez aussi, au nom de la France, non pas des excuses pour des actes qui ne sont pas excusables, mais au moins une condamnation ferme de la torture et des exécutions sommaires commises par la France pendant la guerre d'Algérie», écrivait-elle en 2012 à François Hollande.

Source: Le Figaro - 3/02/2019