Le récent programme électoral du PQ veut s’articuler en partie autour du projet de charte de laïcité. Même si ce projet voudrait bannir les signes ostentatoires au sein de la fonction publique, il vise essentiellement le foulard islamique. Dans ce sens, le choix d’une candidate d’origine algérienne, parachutée à Trois Rivières et qui s’affiche contre courant islamique n’est pas innocent.

Force est de constater, une fois de plus la communauté musulmane vivant au Québec est ciblée par les manœuvres politiciennes et électoralistes. Si la tempête des accommodements raisonnables provoquée par le défunt parti ADQ avait occupé une grande place dans les débats de la précédente campagne; c’est le tour au PQ de prendre le relais avec son projet de charte de laïcité, lors de cette campagne 2012.

Enjeu ou manœuvre?

Considérant la place accordée à ces questions, Il devient légitime et pressant de poser la question, s’il s’agit d’un véritable enjeu ou simplement d’une manœuvre électoraliste?
Au vu des indicateurs objectifs, rien ne justifie ni un projet de loi ou de charte, ni l’ampleur donnée à la question du foulard islamique dans la campagne électorale et dans le débat de société. En effet, ni les demandes d’accommodements pour des raisons religieuses (à proportion très faible, dans l’ensemble; voir à ce propos les études de la commission des droits de la personne), ni le nombre de personnes qui portent un foulard, au sein de la fonction publique de la province du Québec (très faible et insignifiant, pour la simple raison que les Arabes et les Musulmans, surtout maghrébins souffrent d’un taux très élevé d’exclusion de l’emploi) ne justifient un tel acharnement.

La question est suscitée par une fausse idée selon laquelle la présence des Musulmans exerce une menace. Dans ce contexte interviennent les tempêtes soulevées au Québec, relativement au port du foulard islamique, à la consommation Halal, aux écoles musulmanes, etc.….où le PQ semble vouloir jouer un rôle de premier rang. Cette peur est nourrie depuis un certain temps, par certaines médias, qui non seulement cherchent le scoop et le sensationnel, mais de plus, mènent délibérément, une campagne islamophobe continue, agressive et sans répit. Les partis politiques, prennent le relais des médias, pour exploiter à leur avantage, cette phobie une fois installée, à l’égard des musulmans.

En effet, ces partis, à court de projets et d’idées, glissent facilement dans le populisme et la manœuvre électoraliste malsaine et trouvent dans la communauté musulmane du Québec une proie facile.

Ces partis s’imaginent que l’exploitation de cette phobie pour des fins électoralistes, est payante.

La mondialisation; l’immigration; la facilité de la communication et de l’information; les événements politiques des dernières décennies, dont les guerres du Golf et les pseudo guerres contre le terrorisme, etc.… intervenant sur un fond de diabolisation du musulman et de l’islam, sont venus bousculer l’opinion publique en Occident et infester les relations entre les peuples d’Orient et d’Occident.

D’une façon particulière, cette manœuvre trouve écho, au sein de la société québécoise, pour plusieurs raisons. L’immigration au Québec, des citoyens issus de pays musulmans et arabes, surtout maghrébins a atteint son haut durant cette dernière décennie. Ceux-ci arrivent bien entendu avec leurs codes culturels et laissent afficher de la différence. La différence si incomprise et inexpérimentée; la méconnaissance de l’autre surtout lorsque sa présence est fortement ressentie, génèrent une certaine phobie à son égard. Les cultures des uns et des autres sont des registres codés; sans l’ouverture et l’échange des codes, s’installent l’incompréhension, la frustration et la phobie de l’autre. La société québécoise, qui vient de gagner le pari de sa révolution tranquille et qui vient de s’affranchir du pouvoir de la religion, demeure très sensible aux questions de société et de religion. Ceci explique, pourquoi cette manœuvre malsaine trouve succès.

Exclusion ou inclusion, quelle option choisir?

Malheureusement, ni les politiques, ni les médias ne semblent vouloir écouter ces québécoises et québécois de confession musulmane, qui disent et redisent et ne cessent de répéter haut et fort, qu’ils ont choisi le Québec, terre d’accueil et de liberté, pour vivre dans la dignité et la liberté et pour contribuer à la construction d’un Québec, prospère, épanoui et inclusif.

Loin de vouloir agresser quiconque par la différence qu’ils affichent. Celle-ci fait partie de leur cheminement spirituel, de leurs façons d’être et de paraître et constitue un facteur de leur épanouissement. Ils tiennent à ne pas nuire par leurs comportements, à une quelconque institution, ni à l’espace public, même s’ils tiennent à préserver leur dignité et vivre pleinement et librement leur religion.

Ils font des efforts et les redoublent pour échanger et s’ouvrir aux autres, afin que s’installent des ponts avec l’autre et dans le but de dissiper les préjugés et effacer la peur. (Portes ouvertes dans les mosquées; le partage des soupers du Ramadhan, etc.)

Ils s’établissent au Québec avec l’espoir de réussir et de contribuer à la prospérité du Québec, avec autant d’atouts que la maîtrise de la langue française, du niveau d’instruction très élevé et de l’expertise dont ils bénéficient, avant de se heurter aux murs de l’exclusion.

En plus, de subir continuellement les effets des préjugés, de la discrimination et des campagnes sans répit d’islamophobie; ils souffrent d’une flagrante exclusion à l’emploi, malgré la maîtrise du Français et le niveau élevé d’instruction. (Beaucoup d’études en témoignent, dont la dernière étude de la commission des droits de la personne.) Un CV portant un nom arabe ou musulman a 60% moins de chance d’être accepté versus un nom québécois.

Les femmes musulmanes au nom d’un pseudo égalitarisme, souffrent doublement d’exclusion et d’aliénation. Personne ne veut les écouter lorsqu’elles disent et répètent haut et fort que le voile relève de leur libre choix d’être et de paraître et fait partie de leur cheminement spirituel. Elles veulent que leur choix soit respecté et que cesse la fausse idée qui voudrait associer le voile à une quelconque inégalité entre femmes et hommes.

Au lieu de procéder encore par l’exclusion, il est plus sage de procéder par l’inclusion. Les vrais enjeux sont ailleurs.
L’intégration par l’emploi et la valorisation de la diversité demeurent entre autres, les principaux enjeux, si l’on veut réussir le défi de construire un Québec prospère et inclusif.

Montréal le 26 août 2012