À peine lancée, l’opération d’introduction de la carte d’identité et du passeport biométriques suscite controverse, inquiétude et incompréhension. Censée alléger les procédures jusque-là utilisées pour l’obtention de ces documents, l’opération s’est avérée trop lourde, trop compliquée et, plus grave, critiquée de partout.

 

Il y a eu, d’abord, la levée de boucliers des islamistes contre l’exigence d’ôter le voile et la barbe pour la photo biométrique. Mais, au-delà du débat idéologique, la nouvelle procédure pose des problèmes, que ce soit en matière d’alourdissement de la procédure d’obtention de ces documents indispensables, ou en ce qui concerne la nature des changements opérés à la faveur de cette nouvelle procédure.
Le citoyen devrait, désormais, fournir douze documents administratifs pour l’obtention de la carte d’identité et du passeport biométriques. L’introduction du nouvel extrait de naissance n°12 S (spécial) devrait résoudre bon nombre de problèmes, puisque ce document, signé par le président de l’APC, est donné une fois dans la vie du citoyen. Or, alors que l’opération des documents biométriques est lancée, des mairies ne disposent toujours pas de ce fameux document. Plusieurs citoyens ayant déposé leur dossier “biométrique” ont du mal à se procurer, auprès de leur commune de naissance, ce fameux n°12 S. Force est de constater que l’administration centrale a mis la charrue avant les bœufs dans cette opération.

L’autre complication concerne l’exigence de fournir, outre l’extrait de naissance du père, celui de la mère, le certificat de nationalité et la carte du groupe sanguin. À la lecture de la liste des documents à fournir, il y a lieu de noter que la procédure a été considérablement alourdie. Ceci pour la forme. Quant au fond, c’est beaucoup plus compliqué et pose de sérieux problèmes. Il y a un sentiment d’intrusion flagrante dans la vie privée des citoyens. Le formulaire à remplir ressemble à une fiche de police, ou à la fameuse “fiche bleue” réservée aux cadres de l’État. On y trouve des questions relatives au cursus scolaire, professionnel, mais surtout l’exigence de trouver un “répondant” qui se porte garant sur chaque demandeur de ces documents biométriques. Dans chaque étape du formulaire, il est demandé au requérant de citer un ou plusieurs amis de classe, de travail ou de contingent (service militaire), avec leurs adresses, leurs téléphones et leurs adresse e-mail. Une situation que l’on ne trouve nulle part ailleurs et qui obligerait les Algériens à déclarer leurs amis proches et lointains, leurs collègues de travail et même les amis de passage, pour le cas du service national ou du cursus scolaire. Mais, dans le cas où un citoyen n’aurait fait ni étude ni service militaire, et n’aurait pas de travail, le nouveau formulaire ne semble pas en faire cas, tout comme il ne fait pas cas des possibilités d’oubli, en raison de l’âge avancé, ou du changement de lieu de résidence, par exemple.

La même situation se présente pour un citoyen retraité, qui est né dans un village reculé et à qui l’on demande de se remémorer son école primaire, ses amis de classe, ceux du service national et des collègues de travail.
Cette façon de s’introduire dans la vie privée des gens est inquiétante à plus d’un titre, dans la mesure où elle constitue une atteinte flagrante aux droits civiques. De quel droit demande-t-on le cursus professionnel d’un citoyen pour l’établissement d’un document administratif ? De quel droit demande-t-on la liste de ses amis ? Est-ce une façon de “classer” les citoyens ? Si ce n’est pas de l’inquisition, ça y ressemble, en tous les cas.