Les Montréalais d’origine amazighe ont été agréablement surpris par un inattendu « Asseggas Amegaz » du maire de leur ville, une première dans l’histoire de la métropole. A l’occasion de la célébration de Yennayer de l’année 2960 du calendrier berbère, une pleine page du quotidien gratuit 24 Heures a été consacrée à sa célébration. Khelifa Hareb, membre du Mouvement amazigh du Québec (MAQ) et initiateur de cette démarche en parle.


Comment en êtes-vous arrivé à convaincre le maire de Montréal pour présenter les vœux à l’occasion du Yennayer ?

Premièrement, depuis l’alliance des quatre associations (Tafsut, Inas, le Centre amazigh de Montréal – CAM et Solidarité Québec-Kabylie) et les indépendants, essentiellement originaires d’Algérie et du Maroc, qui est née après la signature d’un communiqué pour manifester notre opposition quant à la dénomination « Petit Maghreb » d’un quartier montréalais, nous nous sommes structurés de façon horizontale et nous avons créé plusieurs commissions qui s’intéressent à la mise en valeur de l’amazighité, langue, culture et identité, à Montréal. Dans le cadre des activités de cette dernière, Mourad Itim (Tafsut), Lahcene Ameur (CAM) et moi-même à titre indépendant, nous nous sommes déplacés à l’Hôtel de Ville pour demander au maire de Montréal de concrétiser notre proposition qui consiste à présenter les vœux à la communauté amazighe montréalaise à l’occasion de Yennayer 2960, comme il l’avait fait pour d’autres communautés immigrantes.

Cette tradition a été choisie parce que c’est une fête non religieuse, apolitique et partagée par tous les peuples de l’Afrique du Nord sans exception. Elle représente un événement séculaire qui nous unit, quelles que soient nos différences religieuse, linguistique, idéologique ou autres.

Vous êtes membre du Mouvement amazigh du Québec (MAQ). Pouvez-vous nous le présenter...

Le Mouvement amazigh du Québec est né grâce au dynamisme des indépendants du collectif mentionné précédemment, dont des Algériens et des Marocains. La structure et le fonctionnement du MAQ est exactement à l’image du Mouvement culturel berbère (MCB) en Algérie, avant le démembrement qu’il a subi après la fallacieuse ouverture démocratique, ou le Mouvement culturel amazigh (MCA) au Maroc. C’est une structure horizontale qui a pour but de manifester notre amazighité au sein de la société québecoise, à commencer par Montréal.

Vous avez aussi pu publier une page complète sur 24 Heures. Comment cela a-t-il été rendu possible ?

La page dans le quotidien 24 Heures a été le fruit de la rencontre des membres du collectif et des représentants des autorités municipales montréalaises à l’Hôtel de Ville. J’ai proposé au personnel de la mairie de fêter Yennayer à l’Hôtel de Ville, à l’instar des Amazighs parisiens qui le font depuis 2006. Malheureusement, la réponse a été négative et la raison avancée était que si l’on ouvrait les portes à ce genre de manifestations, on ne ferait que ça durant toute l’année, vu le nombre important de communautés culturelles à Montréal. Toutefois, ils nous ont proposé de concevoir une page dans un journal. Il était donc question de publier une entrevue avec une figure amazighe qui soit relative à Yennayer avec une figure amazighe montréalaise active et les vœux du maire. Notre choix s’est porté sur Tassadit Ould-Hamouda de Tafsut. En plus de cela, nous avons eu l’accord pour que le maire présente des vœux à l’occasion de Yennayer sur une radio. Effectivement, c’est chose faite, le maire a dit : « Assegas Amegaz » à la communauté amazighe sur les ondes de la radio CFMB-1260 AM, à l’émission « Timlilit Imazighen » animée par Mourad Mehammeli et Madjid Benbelkacem.

Ces actions ont-elles eu de l’impact sur la perception qu’ont les Montréalais de la culture berbère dans leur ville ?

Oui. A titre d’exemple, plusieurs sites web ont repris les vœux du maire sur leurs pages d’accueil et l’enthousiasme a regagné les esprits même des anciens militants « retraités ». Le dynamisme se sent au sein de notre communauté amazighe à Montréal. Par ailleurs, la question amazighe ici à Montréal a changé de cap, elle sort de son ghetto : depuis 10 ans, Yennayer est fêté par nous et entre nous dans des salles de collège archicombles mais sans aller à la rencontre des autres communautés pour qu’elles sachent au moins qu’on existe. Enfin, il y a des militants qui sont rentrés dans des partis politiques pour que notre voix soit portée à un niveau de représentativité politique, ce qui est primordial pour qu’une communauté obtienne ses droits. Nous avons donc des éléments dans Québec solidaire, le Parti québécois et Le Parti libéral du Québec.

Source: El Watan - Edition du 3 février 2010