Ils sont nés en Algérie. Ils y ont vécu jusqu’à l’âge adulte, avant de plier bagage pour aller sous d’autres cieux. Destination : les pays d’Europe occidentale, en particulier la France. Mais avant l’âge de la retraite – échéance attendue pour effectuer le grand retour – la mort passe par là.


Le rapatriement de la dépouille mortelle n’est pas une sinécure. C’est le cas, notamment, pour des milliers d’émigrés algériens. La mort en exil n’étant pas prévue dans leurs projets de migration, leurs proches et leurs familles sont toujours surpris. Il faut courir dans tous les sens pour préparer les documents nécessaires au rapatriement. Il faut également recueillir la somme exigée pour permettre au défunt de reposer enfin en paix près de ses ancêtres, dans le pays natal. Une véritable galère ! L’opération est très coûteuse en temps et en argent. Le rapatriement d’un corps coûte au moins 3000 euros (300 000 DA). Cette somme couvre les frais de transport vers l’aéroport international du pays d’origine, les dépenses relatives au traitement post-mortem, la mise en bière et les aménagements spécifiques au transport. Cela sans compter les prix des billets d’avion pour les deux ou trois personnes proches qui doivent accompagner le défunt et assister à ses obsèques dans le village ou le douar d’origine. Comment faire pour réunir cette somme ? Existe-t-il des moyens efficaces pour faciliter le dernier voyage des immigrés ?

De la cotisation à l’assurance obsèques

« Il y a l’assurance obsèques. Les Algériens sont censés contracter ce genre d’assurance. En cas de décès, c’est la société d’assurances qui prend en charge les frais du rapatriement des corps », explique Azzedine Gaci, président du Conseil régional du culte musulman (CRCM, région Rhône-Alpes). Toutefois, de l’avis de notre interlocuteur, peu d’immigrés prennent conscience de la nécessité d’avoir ce genre d’assurance, alors que d’autres ignorent même son existence. Ils sont nombreux. « Les émigrés oublient de payer ce type d’assurance. Et quand il y a décès d’un proche ou d’un parent, la famille se retrouve en difficulté ; elle est contrainte de recourir à la quête pour rassembler la somme nécessaire au rapatriement du corps du défunt », ajoute encore notre interlocuteur. Cette quête prend parfois beaucoup de temps et le corps reste sur place pendant des semaines. « Certaines familles mettent plus de deux mois avant de pouvoir rapatrier le corps de leur défunt », explique encore Azzeddine Gaci. Cependant, le problème ne se pose pas pour tous les immigrés. Les premières générations d’émigrés kabyles ont exporté vers la France le système de tajmaât. Les émigrés disposent d’une « caisse noire » à laquelle ils recourent pour financer le rapatriement des corps. Comment s’organisent-ils ? Chaque village dispose d’un comité. Chaque émigré cotise, pendant de longues années, 10 à 13 euros/an (de 1000 à 1300 DA). Et le problème est résolu. Les frais de rapatriement du corps sont entièrement pris en charge par le comité du village.

L’Etat et la promesse non tenue de Ould Abbès

La diaspora algérienne compte plus de 7 millions de personnes. Le problème du rapatriement des dépouilles des Algériens décédés à l’étranger reste toujours posé. « Les Tunisiens et les Marocains sont pris en charge par leurs Etats respectifs. Pourquoi l’Etat algérien ne s’implique-t-il pas pour aider ses ressortissants à l’étranger ? » s’interrogent nos émigrés. La demande à l’adresse de l’Etat ne date pas d’aujourd’hui. « Elle remonte au moins à une dizaine d’années », affirme encore Azzeddine Gaci. Même l’annonce officielle faite par le ministre de la Solidarité nationale, de la Famille et de la Communauté algérienne à l’étranger, Djamel Ould Abbès, n’est pas prise au sérieux. Le ministre a annoncé, à maintes reprises, la décision de l’Etat de prendre en charge le rapatriement des dépouilles des émigrés, mais aucune mesure n’a été prise effectivement sur le terrain. « Nous demandons à ce que les pouvoirs publics passent à l’acte et ne pas se limiter uniquement aux discours », lance notre interlocuteur. Nous avons tenté de joindre les responsables du ministère de la Solidarité pour avoir un complément d’information sur le sujet, en vain. Une semaine n’a pas suffi aux cadres du ministère pour répondre à nos sollicitations. « Votre demande est chez monsieur le ministre et c’est lui qui doit répondre à vos questions », nous rétorque la préposée à la communication. Les responsables du ministère des Affaires étrangères, eux, semblaient « tous en vacances ».

 

Source: El Watan du 1er septembre 2009