«J’ai perdu tout ce que je possédais pour obtenir tout ce que je n’avais pas eu…», dira Samia Shariff. Elle nous raconte la fin de son combat bouleversant avec un réalisme que l’on a peine à croire lorsqu’on s’aventure dans ce qu’a été sa vie, durant toutes ces années, avant de s’enfuir coûte que coûte risquant de perdre ses deux filles.

Pour Samia Shariff, la vie aurait pu être agréable comme le soleil qui brille sur cette Algérie aux coutumes cependant très ancrées et souvent difficiles pour les femmes qui sont encore aujourd’hui considérées comme une malédiction de Dieu. Née dans une très riche famille, elle aurait pu connaître les facilités de ce qu’auraient pu lui offrir ses parents. Elle a vécu dans le luxe, mais a connu une ineffable pauvreté humaine.

Des parents qui maltraitent et humilient, et un mari qui considère celle qui deviendra sa femme, alors qu’elle n’a que 16 ans et lui en a 30, comme un objet dont il peut jouir comme bon lui semble. Elle ne pourra se rebeller, sinon la réponse est sans attente. Gifles, coups de pied, coups de poing sans qu’elle ne puisse avoir la protection de quiconque. Dans un pays où les hommes sont les maîtres absolus et puissants, il est difficile pour une femme d’aller se plaindre. Elle a tenté de le faire, on lui a répondu : «Mais laissez-vous faire, et il ne vous arrivera rien.»

Samia Shariff, que j’ai rencontrée au cours d’un heureux hasard alors que nous étions à l’aéroport de Montréal, me racontera son histoire en quelques mots. C’est à mon retour, quelques semaines après, que la radio parle de son livre Le voile de la peur. Déjà un immense succès à Montréal. Elle enchaîne radios, télés et risque de s’envoler pour la France d’ici quelques temps.

J’ai eu un immense plaisir lorsque après avoir lu son livre, elle m’a accordé un entretien touchant, émouvant et d’une exemplaire sincérité.


La Grande Époque (LGÉ) : Pourquoi avez-vous décidé d’écrire ce livre?

Samia Shariff : Alors que j’étais emprisonnée chez mes parents avec mes filles dans une toute petite pièce où nous avions à peine de quoi manger pour survivre, j’ai dit à mes deux filles que si un jour nous nous en sortions, j’écrirais un livre sur tout ce qui nous était arrivé. Notre situation était tellement perdue et se dégradait de plus en plus, je ne pouvais croire qu’un jour nous pourrions nous en sortir toutes les trois.

LGÉ : Que vous a apporté l’écriture de ce livre?

Samia Shariff : Je tiens à souligner que j’ai écrit ce livre sur les conseils de ma psychologue qui a été très dévouée à mon égard. Mais lorsqu’elle m’en a parlé, j’ai attendu quelques années avant de me lancer dans ce projet d’écriture qui me paraissait presque irréalisable. Et puis, je m’y suis mise progressivement. Cela n’a rien enlevé de mes souffrances passées qui sont en moi, mais j’ai le sentiment d’une revanche sur ma famille qui aujourd’hui vit paisiblement et sans le moindre remords.

LGÉ : Comment expliquez-vous cette culture de la domination de l’homme sur la femme qui conduit finalement la plupart d’entre elles à accepter leur condition sans la moindre révolte?

Samia Shariff : Un jour, alors que j’étais en Algérie et que je me rendais chez une amie, je portais contre mon gré un tchador qui me donnait toujours très chaud. J’en ai fait part à mon amie tout en étant très étonnée qu’elle le porte sans la moindre difficulté. Elle m’a rétorqué que Dieu lui donnait de l’air frais et s’est empressée de me dire que si je n’avais pas cette sensation, c’est que je n’étais pas une bonne musulmane.

LGÉ : Pourquoi et de quelle manière le mari qui succède aux parents est-il considéré comme responsable de son épouse?

Samia Shariff : Le mari est responsable de sa femme pour avoir une place au paradis. C’est en ce sens qu’il doit en quelque sorte éduquer, vérifier et faire tout ce qu’il veut de sa femme pour qu’elle ne se détourne pas du droit chemin. Cependant, il n’est pas prévu dans le Coran que l’homme puisse battre et maltraiter sa femme, mais là les hommes font leur propre interprétation.

LGÉ : Qu’enseignez-vous à vos enfants aujourd’hui, vos filles notamment, qui ont connu dès leur plus jeune âge une véritable souffrance?

Samia Shariff : Je pense que mes filles ont acquis une véritable maturité et une grande sagesse. Je ne veux pas leur imposer quoi que ce soit, mais au contraire les laisser vivre leurs propres expériences tant que cela se fait dans le respect de l’autre.

LGÉ : Comment voyez-vous la vie aujourd’hui?

Samia Shariff : J’ai passé une grande partie de ma vie dans la souffrance et – comme toute personne qui a un lourd passé, mais qui redécouvre les plaisirs simples de la vie – j’apprécie chaque instant.


Le voile de la peur, un livre poignant et révoltant sur la vie de cette femme et de ses enfants. Née au mauvais endroit, elle a su au prix de son courage et de sa volonté s’en sortir. Elle a su décrire avec des mots simples ce qu’a été son lourd et douloureux parcours qui illustre malheureusement la vie de tant d’autres femmes.

Source: http://french.epochtimes.com/news/6-4-2/3936.html

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