À l’heure d’écrire ces quelques lignes, Cheb Mami, le chardonneret de Saida, de son vrai nom Mohamed Khelifati, médite ses errements dans une cellule de la célèbre prison parisienne de la Santé. Dans les derniers jours du mois de juin, il a pris de court les journalistes français en se présentant inopinément à l’aéroport d’Orly. Il a finalement  décidé de faire face à la justice française. Et celle-ci n’y est pas allée de main morte : 5 ans de prison ferme pour le prince déchu du rai. Le verdict du tribunal correctionnel de Bobigny est sans appel.

 

Au vu du caractère du délit imputé à l’artiste, celui-ci encourrait le double de cette peine. À fortiori, cette fois, Cheb Mami (qui n’est pas vraiment cheb…) a fait preuve de discernement en mettant un terme à sa fuite en avant pour répondre de ses actes. Il s’agit plutôt d’un délit extrêmement inusité en France, mais assez répandu au Maghreb.
Il n’en demeure pas moins que l’acte lui-même est répugnant et hautement répréhensible. Pour preuve, la multiplication sur Internet de messages de la gent féminine originaire d’Afrique du Nord outrée par le comportement de la star vis-à-vis d’une femme se trouvant dans un pays étranger. Pour nombre d’entre elles, seule une personne à la morale douteuse est capable d’un acte aussi dégoûtant que celui posé par Mami. Le séjour de sa compagne Isabelle Simon, qui était enceinte de leur enfant, a failli tourner à la tragédie. Elle fut victime d’un véritable guet-apens! Assurément, les choses auraient pu être bien plus dramatiques, si ce n’est la stupidité des hommes de main du chanteur algérien. Ce dernier aussi n’a pas été très inspiré dans son explication, puisque même l’élément antisémite s’est avéré être un terrible mensonge.

On pensait avoir tout vu chez les vedettes du rai, un genre qui s’est signalé par des scandales de mœurs à profusion, et ce dès son apparition. Mais voilà que celui qui était célébré comme son prince stoppe une carrière extraordinaire qui la amené à se produire aux côtés des plus grandes stars du show-biz, à commencer par le légendaire Sting. Résultat : au lieu d’être le clou de la programmation du Festival Panafricain, organisé ces jours-ci en grandes pompes par le régime algérien, le chanteur saidi passe sans nul doute ses moments les plus difficiles entre les quatre murs de sa cellule. Une soudaine descente en enfer pour l’auteur du fameux refrain « Mon cœur est au pays des merveilles »! Ah, que l’on regrette Hasni…!

Difficile de croire à une désinvolture de la part  de Mami quant à sa décision de se mettre à la disposition de la justice française. De l’avis de certains connaisseurs des relations algéro-françaises, il n’est pas dit qu’il n’ait pas reçu de garanties. Tout simplement, Alger ne pouvait se permettre d’abriter un de ses citoyens recherché en France pour des faits avérés, surtout une personne publique réputée proche de la nomenklatura algérienne.
Avant la visite d’Abdelaziz Bouteflika en Hexagone, qui devrait avoir lieu en décembre prochain, il fallait coûte que coûte trouver une solution à ce quiproquo. D’un autre côté, Sarkozy est un ami des vedettes de la chanson style bling-bling comme notre Mami national. Donc, une remise de peine ou une grâce ne seraient pas une surprise. Le chanteur Faudel pourrait bien servir d’intermédiaire! Une première occasion se profile déjà à l’horizon : le 14 juillet, fête nationale du pays où Mami a fait l’essentiel de sa carrière. Aux dernières nouvelles, il pourrait même purger sa peine en Algérie. Il ne sera sûrement pas incarcéré à Serkadji ou Lambèse.

On aurait aimé que le raiman ne soit pas le seul compatriote à se présenter devant un juge français. En ce moment, je pense surtout à l’auteur et aux commanditaires du meurtre de l’avocat Ali Mecili, le brillant officier de l’Armée de Libération Nationale abattu en plein Paris par un vulgaire proxénète. 22 ans sont passés de puis l’horrible crime. Dans ce cas-ci, la justice se fait toujours attendre.

Pour certains membres de la diaspora algérienne, le verdict rendu dans l’affaire Mami n’est rien par rapport à une autre décision judiciaire qui revêt une grande importance. En effet, Sophie Scharbook, la petite fille de 7 ans réclamée depuis 2005 par son père français, a été séparée de sa belle-famille algérienne pour être envoyée en France. Chose impensable du temps des prédécesseurs de Bouteflika, les observateurs sont d’avis que cette décision n’aurait pas pu voir le jour sans le feu vert du président algérien. À l’occasion, il a envoyé aux nues son homologue français. 

L’ « affaire Scharbook », c’est un autre drame touchant deux familles des deux côtés de la Méditerranée : une gamine dont la scolarisée a été bouleversée, une grand-mère aux abois et qui a même sollicité l’aide du secrétaire général des Nations unies Ban Ki-moon, menaçant de se suicider au cas où elle perdrait l’enfant, et enfin un père qui a perdu de vue sa fillette pendant les trois dernières années. Jusqu’à ce que cette affaire trouve son épilogue d’une façon inattendue suite à l’intervention expéditive de la police algérienne. 
Le (dernier?) voyage Oran-Alger-Marseille de la petite Sophie devrait interpeller un grand nombre de personnes. Beaucoup plus que la déchéance d’un cheb. C’est un précédent qu’il faut obligatoirement noter. Désormais, tout Algérien devrait penser par deux fois avant de prendre le large, direction le bled, avec sa progéniture issue d’une liaison mixte. Le ciel bleu d’Algérie ne pourra plus servir de paravent

Arezki Sadat